A boulets rouges sur les datacenters marseillais

Marseille pourrait faire figure de laboratoire français de la sociologie des datacenters : on y trouve le meilleur de la colocation, mais également le pire des oppositions.

Tribune - Par Yves Grandmontagne, rédacteur en chef de DCmag

Et si Marseille détrônait Saint Denis comme laboratoire sociologique des datacenters en France ? Marseille en passe de devenir le cinquième hub internet mondial avec des 16 atterrages de câbles sous-marins, et bientôt 17, 18… Marseille écolo avec le river cooling, unique en Europe. Marseille où l’industrie du datacenter, avec le géant Digital Realty (ex Interxion), est devenue en quelques années le premier investisseur industriel.

Mais voilà que cette image moderne d’une citée qui accueille le meilleur du numérique ne cesse d’être critiquée et attaquée, par des opposants environnementaux et politiques.

Souvenez-vous, la première édition de notre Journée du datacenter avait pour sous titre qu’un datacenter « c’est moche, ça consomme de l’énergie, ça pollue, et ça ne crée pas d’emploi« . Les opposants aux datacenters à Marseille se sont fait forts de le démonter !

Dans une publication sur son compte LinkedIn – la promotion de l’écologie sur les réseaux sociaux n’est-elle pas antinomique ? – Sébastien Barles, adjoint au Maire de Marseille délégué à la transition écologique, invite à « arrêter cette course folle aux data centers à Marseille. Aujourd’hui, les demandes énergétiques d’opérateurs pour installer des data centers à Marseille représenteraient la consommation électrique de 500 000 habitantEs. C’est insoutenable !« .

On y apprend que « (le) réseau électrique est saturé, le foncier doit être réservé pour des activités d’utilité sociale et écologique, vectrices d’emplois durables dans notre ville (un centre de données génère 10 fois moins d’emplois que n’importe quelle autre activité)« .

Et de lancer « Marseille n’est pas le grand hangar à données des Big data. Notre ville mérite mieux que des croisières et des centres de données.« 

S’attaquer aux premiers apporteurs de devises, les croisiéristes, et aux premiers investisseurs industriels, les datacenters… La logique de la démarche nous surprend.

Dans un article sur Reporterre, Laurent Lhardit, adjoint au maire de Marseille chargé de l’économie, dénonce : « Nous avons un déficit de foncier économique à Marseille donc on peut difficilement passer les terrains aux acteurs des data center« . Il nous a semblé au contraire qu’un certain MRS3 occupe une ancienne base sous-marine allemande dont le Port de Marseille ne savait plus quoi faire. Et que le prochain datacenter de Digital Realty pourrait s’implanter sur une friche dont la transformation fait l’objet d’un appel d’offre.

Argument ultime : « par rapport à l’économie productive, la part d’emplois des centres de données est assez négligeable« . L’apport du numérique aux activités locales et régionales est très vite oublié, il est vrai qu’il est mal maîtrisé…

Mais peut-être touchons nous là la vrai problématique politique des datacenters, lorsque Sébastien Barles, de nouveau mais dans ce second article, déclare que les datacenters « se font juste de l’argent pour eux« . Alors il propose de « taxer les data centers en fonction leur surface de stockage« .

Tous ces opposants au datacenter semblent rêver de leurs homologues à Amsterdam ou à Dublin, qui ont obtenu un moratoire sur la construction de nouveaux datacenters. Et de réclamer « des éco-conditionnalités pour en limiter les impacts spatiaux, énergétiques et environnementaux« . Autrement dit des taxes pour éloigner les datacenters…

Le datacenter focalise les oppositions, il n’y a rien là de bien nouveau. Quant à Marseille laboratoire des émotions que porte le datacenter, il est certainement trop tôt pour l’affirmer. Car partout où s’implante un datacenter, ce projet génère des interrogations, et des oppositions. A nous d’évangéliser le grand public et les politiques.

La Journée du datacenter 2023 se tiendra le 25 mai.

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