Infrastructure de la Smart City : des tuyaux à la marketplace

Fabien Gautier, directeur du business développement et du marketing chez Equinix pour la France, l’Espagne et le Portugal, partage le point de vue d’Equinix sur les nouveaux modèles économiques créés par la smart city.

Lorsque l’on pense à la Smart City, la ville intelligente, on imagine un paysage urbain fait d’immeubles connectés et de voitures autonomes, au service d’un mode de vie plus confortable, plus sûr et espérons-le respectueux de l’environnement. C’est la partie visible d’une révolution plus profonde qui touchera à tous les services destinés aux habitants de ces villes « augmentées ». Le champ des possibles est bien plus vaste si au lieu de penser « matériel » et « produits » on envisage nos modes de vie futurs en termes de services, si on pense mobilité et services « automotive » au sens large.

La Smart City se caractérise avant tout par les nouveaux modèles économiques qu’elle crée. Car les échanges commerciaux ont été disruptés à l’échelle de la planète par les marketplaces comme celles d’Alibaba, Amazon, eBay et d’autres, qui ont généré en 2018 plus de 50% du chiffre d’affaires e-commerce mondial, soit 1.66 trillion de dollars (milliard de milliard). Et si nous repensions l’infrastructure de la Smart City comme une place de marché pour favoriser l’innovation ?

Smart City et automotive : la course à la data

Avant de parler des places de marché, intéressons-nous aux services offerts par la Smart City. D’ici 2020, d’après Gartner, 250 millions de voitures connectées seront en circulation et leurs systèmes de navigation et d’aide à la conduite généreront un volume considérable de données. En 2018 déjà, 1 gigabit de données était produit chaque jour par une voiture « connectée », ce seront 33 gigabits en 2025. A l’échelle de la Smart City et du monde, les automobiles ne seront pas seuls responsables de ce déluge de data puisque l’IoT amène mesurabilité et connectivité à tous les services de transport ainsi qu’au mobilier urbain.

De nouveaux services liés à l’ « automotive » (tous les modes de transport et leur impact social en termes de mobilité) pourront être inventés si demain vous n’avez plus besoin d’être concentré sur la route, car votre voiture autonome ou une navette connectée gèrent le pilotage. McKinsey estime ainsi que de nouveaux services à bord de véhicules autonomes pourront représenter un chiffre d’affaires de 1.5 trillion de dollars d’ici 2030.

Penser les services dans un écosystème et l’infrastructure comme une place de marché

Ces nouveaux services peuvent se développer car les acteurs de la Smart City ont compris que partager les données crée de la valeur. La Smart City de Nantes a ainsi parié sur l’open data pour créer plus de 48 applications au service des habitants et ouvrir 750 jeux de données aux acteurs du territoire. A Sydney, Santiago, Berlin, le développement du « smart parking » amène plus de fluidité aux déplacements et des données utiles aux commerçants et entrepreneurs locaux.

Pour que tous ces services se développent, il faut de la puissance de calcul et donc des datacenters au cœur des Smart City, mais aussi là où se créent les data : dans les véhicules, intégré au bitume des routes intelligentes, dans les lampadaires et abribus connectés. L’infrastructure connaît donc aujourd’hui un âge d’or, non seulement pour sa capacité à offrir de la puissance de calcul mais surtout à interconnecter tous les acteurs de la ville, publics et privés, matériels et logiciels.

Qu’est ce qui fait de l’infrastructure de la Smart City une place de marché ?

Trois éléments constituent l’infrastructure d’une Smart City : les équipements connectés, les nœuds d’interconnexion ou « edge nodes » de différente taille et puissance répartis partout dans la ville, et enfin le mode de stockage et d’analyse des données parmi lesquels le Cloud joue un rôle important en couplant big data et intelligence artificielle.

Les équipements connectés d’une ville sont tout ce qui peut collecter de la data et la transmettre sur le réseau (wifi, 5G, électrique) : smartphones, véhicules, caméras… Les nœuds d’interconnexion ou « edge nodes » sont des points d’accès et de diffusion de la donnée. Ils permettent la fluidité du cheminement de la donnée. Enfin le mode de stockage permet le traitement de la donnée et sa valorisation. Le Cloud est aujourd’hui un des modes privilégiés par les acteurs car il apporte la souplesse nécessaire à un monde changeant et polymorphe.

Dans ce contexte, ce que les gestionnaires des villes intelligentes cherchent à obtenir est une infrastructure « as a service », alliant matériel et logiciel, performante, qui maximise leur connectivité tout en minimisant les risques et en respectant les règles éthiques d’utilisation des données. Comme on a pu le voir lors de la conférence Le hack Paris en juillet dernier, tout élément de l’infrastructure doit être sécurisé sous peine de devenir un point d’accès aux données, et oui cela inclue aussi les lampadaires !

Pouvoir facilement et en toute sécurité connecter et dé-commissionner des services, des fournisseurs, à l’infrastructure de la Smart City c’est en fait favoriser le développement de nouveaux services innovants. C’est appliquer à la Smart City la logique d’une place de marché où tous les acteurs se rendent visibles et compatibles sous forme de micro-services et où l’analyse de données permet de détecter des besoins et « matcher » les utilisateurs avec les meilleurs produits.

L’infrastructure se voit pousser des ailes

L’informatique et les infrastructures réseaux ont été quelques peu délaissés depuis quelques décennies. Ces métiers étaient dans l’ombre, au fond de simples « tuyaux ». Gérée par le département des services généraux de l’entreprise, l’infrastructure n’était pas discutée par les membres du CODIR parce qu’elle n’était plus considérée comme source d’innovations !

L’infrastructure vit à présent sa renaissance, elle est devenue un choix stratégique qui a remis les services IT sur le devant de la scène. Considérés comme centre de coûts, ces derniers sont redevenus des centres de profits indispensables à la mise en place des nouveaux modèles économiques des entreprises. Elle permet l’émergence d’idées innovantes, et l’on n’achète plus aujourd’hui une infrastructure standardisée et banalisée qui conviendrait à toutes les entreprises. La localisation de la donnée pour une bonne diffusion et un traitement optimal est devenu un facteur clé de succès de la Smart City. Entreprises et villes construisent des « places de marché » d’interconnexion qui devront pouvoir s’adapter aux changements technologiques et business des années à venir. Car personne ne peut affirmer savoir de quelles technologies ou services nous auront besoin dans 5 ou 10 ans, mais nous pouvons bâtir une infrastructure qui servira de cadre pour ce futur, en laissant ouvert le champ des possibles.

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