Par Christoph Hebeisen, Director, Security Intelligence Research, Lookout
Au cours de la dernière décennie, beaucoup d’adeptes des nouvelles technologies ont rêvé de voir les smartphones et les tablettes s’imposer dans divers aspects de nos vies. Ils l’ont fait de diverses manières, mais toujours de façon progressive. Tout ceci a changé en 2020 lorsque la plupart d’entre nous ont dû rester confinés à domicile. Qu’il s’agisse de la façon dont nous travaillons, allons à l’école, échangeons avec le personnel de santé, gérons nos finances, faisons nos courses et nous connectons avec nos amis et nos proches, le mobile est désormais au centre de nos vies.
En 2021, cette tendance va se poursuivre. Voici cinq prédictions sur les grandes évolutions de l’année qui vient dans l’univers de la sécurité des mobiles.
L’importance croissante de la protection de la vie privée va entraîner un changement des comportements
La plupart d’entre nous transmettent librement des données personnelles sur les réseaux sociaux et autres applications mobiles sans en comprendre pleinement les conséquences. Même lorsque des piratages ou des vols de données se produisent, nous ne savons souvent pas ce que cela veut dire concrètement pour nous.
Les initiatives visant à l’interdiction de TikTok ont déclenché un débat mondial sur les types de données que collectent les applications mobiles et la façon dont elles sont utilisées. Certaines organisations sont même allé jusqu’à bannir TikTol des terminaux mobiles de leurs employés. Les individus et les organisations pennent de plus en plus conscience que les données collectées par les applications mobiles peuvent être utilisées à des fins malveillantes. Apple a commencé à demander aux développeurs de préciser quels types de données leurs applications vont collecter et comment elles seront utilisées. Nous prévoyons que les entreprises tout comme les consommateurs vont devenir plus prudents sur le partage de leurs données personnelles.
Les menaces liées aux coronavirus vont persister
Le traçage des contacts et la protection de la vie privée ont fait la une des médias en 2020 alors que différents états à travers le monde ont testé diverses technologies pour contenir la propagation du COVID-19. Certaines personnes ont craint que les données collectées portent atteinte à leur vie privée ou soient utilisées à des fins malveillantes. Compte tenu de ces inquiétudes, la plupart des pays en Europe et en Amérique du Nord ont opté pour des méthodes préservant la vie privée, basées sur la technologie Bluetooth. Toutefois, cette décision ne signifie en aucune manière la fin des menaces de sécurité encouragées par la pandémie.
Nous prévoyons que Ia pandémie sera toujours exploitée lors de nouvelles cyber attaques en 2021, les gouvernements et les organisations dans les domaines de la santé et de la pharmacie continuant d’être ciblés. En particulier lors du démarrage des campagnes de vaccination, nous assisterons probablement à des attaques massives de phishing utilisant la pandémie et le vaccin comme des leurres pour voler des identifiants et des données personnelles.
Les malwares sur mobile vont devenir (encore plus) un vrai business
Les types de malwares déployés par des états nations, tels que les outils de surveillance destinés à espionner la minorité ethnique Ouighour en Chine, découverts par Lookout en 2020, ont tendance à mobiliser l’attention. Toutefois, le cyber crime à motivation financière devient sans bruit plus sophistiqué et insidieux, et les malwares sur mobile sont aujourd’hui utilisés par une variété d’acteurs – y compris le crime organisé.
Nous avons déjà constaté la commercialisation progressive de menaces telles que des ‘adwares’ (malwares dans les publicités), des applications générant des fraudes téléphoniques, des chevaux de troie bancaires et des ‘spywares’. En naviguant sur le Dark Web, on trouve des kits en vente libre qui permettent de déployer facilement tous ces types de malwares.
Mais une évolution est en cours. A la fin de l’année 2020, nous avons découvert une campagne de ‘spywares’ (outils de surveillance) sur mobile que nous pensons être opérée par le crime organisé. L’objectif de cette menace, que nous avons appelé Goontact, est de voler des données sur le terminal de la cible et de les utiliser pour de l’extorsion ou du chantage. Les victimes sont incitées à télécharger une application associée aux sites web illicites que les attaquants ont créé. Mais ces applications n’ont pas de fonctionnalités réelles, en dehors de l’exfiltration d’informations. Ceci est la preuve que le ‘mobile malware as a business’ change d’échelle et devient l’apanage du crime organisé.
Les ransomwares vont investir les mobiles
Les ransomwares ont dominé la une des journaux tout au long de l’année 2020. Une série d’hopitaux, d’organisations gouvernementales et d’établissements d’enseignement ont dû arrêter leur activité, leur infrastructure informatique ayant été pris en otage par des acteurs malveillants. Bien que les ransomwares n’aient jusqu’à présent joué qu’un rôle mineur sur les terminaux mobiles – en grande partie en raison de l’utilisation généralisée des sauvegardes dans le cloud et du ‘sandboxing’ des applications mobiles – nous prévoyons que les mobiles joueront un rôle lors de futures attaques de ransomware et autres sur des réseaux d’entreprise et du secteur public.
Beaucoup d’entre nous continuant de travailler à domicile, nous utilisons plus intensivement nos téléphones, nos tablettes et nos Chromebooks – à la fois à des fins personnelles et professionnelles. Avec leurs petits écrans et la multitude de leurs canaux de communication, ils sont un vecteur parfait pour des messages de phishing destinés à voler des identifiants d’accès à des ressources d’entreprise. Nous allons probablement assister à des cas confirmés de phishing sur mobile servant de point d’entrée à des cyber attaquants pour déployer des ransomwares ou d’autres malwares dans une infrastructure d’entreprise.
Les solutions traditionnelles de cyber sécurité vont devoir s’adapter
Les solutions traditionnelles de sécurité des postes de travail tels que les ordinateurs de bureau étaient intrusives et nécessitaient un accès privilégié aux systèmes d’exploitation (OS) et aux applications. Mais ces systèmes d’exploitation ressemblent de plus en plus à leurs homologues sur mobile, limitant ce que les applications, dont les solutions de sécurité, peuvent faire.
Apple a résolument entamé cette évolution en 2019 avec Catalina, lorsqu’il a supprimé la capacité des applications à utiliser des extensions kernel – limitant sévèrement les moyens d’intervention des logiciels de sécurité sur les systèmes. Plus récemment, avec l’introduction d’ordinateurs portables et de bureau exploitant sa propre puce M1, Apple apporte aux postes de travail traditionnels encore plus de fonctionnalités d’iOS et de l’iPad OS. De même, Windows 10 offre désormais le mode S, qui n’autorise que les applications installées à partir de la boutique Microsoft fonctionnant avec leurs propres ‘sandboxes’.
Les OS mobiles, comme d’autres OS modernes tels que Chrome OS, ont créé le standard des systèmes d’exploitation plus comportementalisés. D’une certaine façon, ceci rend plus difficile pour un attaquant de compromettre ces terminaux. Mais cela veut dire également que nous devons repenser la façon dont nous déployons les solutions de sécurité sur les postes de travail. Même si cela risque de prendre quelque temps pour y parvenir, le processus à déjà commencé. Il est probable que dans l’avenir les logiciels de sécurité sur les ordinateurs ressembleront beaucoup à leurs homologues sur mobile.
Pour en savoir plus sur les plus récents développements dans le domaine des malwares mobiles, consulter notre blog sur la découverte de la menace Goontact.