Les taux de vacance des datacenters de colocation en Europe passe pour la première fois sous la barre des 10%, confirmant que la demande dépasse largement l’offre. Mais ce qui peut sembler économiquement intéressant traduit en réalité un déséquilibre qui ne présage rien de bon…
Tribune par Yves Grandmontagne, Rédacteur en chef de DCmag
Le phénomène était très net aux Etats-Unis – lire « USA : le taux de vacance des datacenters chute à 3% » -, il atteint désormais le continent européen, où cependant il était prévu avec l’augmentation de la demande de capacité disponible, mais aussi les pénuries foncières et électriques.
- Selon CBRE, le taux de vacance sur l’ensemble des FLAPD – les cinq principaux marchés de colocation de Francfort, Londres, Amsterdam, Paris et Dublin – est descendu à 9,4%.
- A la fin de l’année 2024, pour l’ensemble de l’Europe, FLAPD et marchés secondaires cumulés, le taux de vacance devrait être de 9,7%.
Que ce taux ne cesse de se réduire, cela n’a rien de nouveau. Mais le rythme auquel il baisse surprend également : pour l’Europe, à la fin du troisième trimestre 2023, le taux de vacance était de 11,9%…
Ces chiffres traduisent donc trois phénomènes :
- La demande dépasse l’offre
- La construction ne suit pas
- Les acheteurs s’affolent
Stratégiquement et économiquement, nous voyons plusieurs plusieurs résultantes au phénomène.
- D’abord, le marché du datacenter se porte bien, tout projet d’envergure est réservé avant même qu’il sorte de terre, c’est le rêve des commerciaux et des investisseurs. Pas forcément celui des constructeurs et des équipementiers, la chaîne logistique souffre…
- Ensuite, l’argent coule à flot sur les projets, même si c’est un peu simpliste de l’affirmer. Et les investisseurs sont toujours plus nombreux à frapper à la porte. Mais ont-ils la compétence pour servir ce marché particulier ? La question mérite d’être posée.
- Quant à la saturation des marchés primaires, elle devrait favoriser des marchés plus petits, voire la réorganisation de certaines infrastructures pour se décliner en clusters sur des datacenters de territoires. Il faudra cependant disposer de la capacité d’aller vite pour être en mesure de répondre à la demande…
Les effets négatifs, maintenant, car il y en a et ils sont inquiétants :
- Les plus puissants (GAFAM) réservent à tout va, le marché de la colocation s’oriente vers un axe unique des acteurs américains qui s’imposent sur les infrastructures européennes. Les voies de la souveraineté doivent-elles être balisées par le modèle américain ?
- La capacité des datacenters est devenue une ressource rare. Le déséquilibre entre l’offre et la demande va se traduire par une hausse des coûts. Mais quand la demande est détenue par quelques acheteurs, qui va faire la loi sur le marché, qui seront les gagnants en dehors des GAFAM ?
On notera que ces chiffres et tendances n’évoquent pas l’émergence des infrastructures d’IA, avec l’explosion de la puissance consommée, donc de la consommation d’énergie, et la révolution des infrastructures IT, en particulier sur la puissance au rack et le refroidissement liquide, qui pourraient entraîner très rapidement les datacenters d’aujourd’hui vers l’obsolescence. Un autre sujet délicat à mettre en perspective… sans trop tarder !