Les obligations de reporting environnemental des datas centers

Alors même qu’ils constituent un enjeu certain de souveraineté nationale, les data centers ne manquent pas d’être critiqués en raison de leur caractère énergivore. Quelles sont les obligations en matière de reporting environnemental posant sur ces derniers ?

Par Anne Petitjean, associée en immobilier, et Jean-Baptiste Verlhac, collaborateur en immobilier au cabinet Herbert Smith Freehills

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Depuis quinze ans, le législateur n’a eu de cesse de réglementer les obligations en matière de reporting environnemental. Il est frappant de relever que d’obligations au départ génériques, ces obligations sont devenues, au gré des différentes lois et sous la double influence des législations française et européenne, de plus en plus ciblées et exigeantes.

Les datacenters n’ont pas échappé à cette tendance réglementaire qui exige toujours plus de transparence des acteurs économiques sur les impacts environnementaux. Les data centers sont aujourd’hui expressément visés par la loi du 30 avril 2025 de transposition de la directive européenne relative à l’Efficacité Énergétique du 13 Septembre 2023, laquelle a très récemment été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel le 29 avril 2025. Cette loi, qui introduit une nouvelle obligation de reporting environnemental pour les data centers, constitue une nouvelle étape dans la réglementation qui pèse sur ces derniers.

Dressons ici un état des lieux des principales obligations applicables en matière de reporting environnemental auxquelles les data centers doivent également se soumettre.

1 – Le développement du reporting environnemental en droit français

Le reporting se définit comme la publication ou la transmission à des organismes de contrôle publics, par les entreprises, de données internes rendant compte de leurs actions en matière environnementale, sociale et de gouvernance (Reporting ESG).

Son aspect environnemental porte sur la publication ou la transmission de données concernant notamment la gestion des pollutions et des déchets, l’utilisation durable des ressources, la lutte contre le dérèglement climatique ou encore de protection de la biodiversité.

Initialement, l’obligation de reporting a été introduite en droit français pour les sociétés cotées par la loi NRE du 15 mai 2001.

La loi Grenelle II du 12 juillet 2010 et son décret d’application du 24 avril 2012 ont ensuite étendu cette obligation aux entreprises de plus de 500 salariés réalisant un chiffre d’affaires annuel supérieur à 100 millions d’euros et ont rendu obligatoire le traitement des thématiques environnementales.

Chaque année, ces entreprises doivent ainsi établir et publier un rapport portant sur leur responsabilité sociétale (Rapport RSE) qui décrit notamment les conséquences de leurs activités et de leur gestion sur l’environnement et présente les mesures prises pour faire face aux risques environnementaux.

A ce rapport RSE s’est ensuite ajoutée, via la loi du 17 mars 2017, l’obligation d’établir un plan de vigilance, qui a notamment pour objet d’identifier les risques et de prévenir les atteintes graves à l’environnement liés à l’activité de l’entreprise et de ses filiales.

C’est ensuite la directive du 14 décembre 2022 dite directive « CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) » entrant progressivement en vigueur à partir du 1er janvier 2024 qui a imposé aux entreprises cotées et aux entreprises non cotées qui dépassent deux des trois critères suivants :
– Un bilan total de plus 25 millions d’euros,
– Un chiffre d’affaires net de plus 50 millions d’euros, ou
– Une moyenne de plus 250 salariés,
d’établir et de publier un rapport dit de « durabilité ».

En matière environnementale, ce rapport a pour objectif d’évaluer l’impact des actions de l’entreprise sur l’environnement sur la base de référentiels de durabilité « ESRS (European Sustainability Reporting Standards) » relatifs entre autres au changement climatique, à la pollution, aux ressources aquatiques et marines, à la diversité et aux écosystèmes ainsi qu’à l’utilisation des ressources et à l’économie circulaire.
Dans le but de garantir la qualité et la fiabilité des données publiées, ce rapport de durabilité doit, en outre, faire l’objet d’une vérification annuelle par un commissaire aux comptes ou un organisme tiers indépendant.

L’absence de publication de ces éléments ou une publication irrégulière peut entraîner une injonction judiciaire de régularisation sous astreinte, l’exclusion des procédures de marchés publics, ainsi que des sanctions pénales pouvant aller jusqu’à 75 000 euros d’amende et 5 ans d’emprisonnement.

D’autres obligations similaires de reporting environnemental sont également applicables aux datas centers. Ainsi, le décret « Tertiaire » du 23 juillet 2019 instaure un mécanisme de suivi des consommations d’énergie des bâtiments du secteur tertiaire assorti d’une obligation de déclaration de ces données par les exploitants ou propriétaires des bâtiments sur la plateforme « OPERAT » gérée par l’ADEME.

Si toutes ces réglementations ne visaient pas expressément les data centers, ce qui ne signifiait pas pour autant que ces derniers étaient dispensés des obligations en matière de reporting environnemental notamment eu égard aux caractéristiques de leurs structures de détention et d’exploitation, c’est bien la directive Efficacité Énergétique adoptée par la loi du 30 avril 2025 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union Européenne qui cible expressément les data centers exposant ces derniers à une transparence accrue.

2 – Les nouvelles obligations issues de la dernière révision de la directive Efficacité Énergétique

La dernière révision de la Directive relative à l’Efficacité Énergétique introduit une nouvelle obligation en matière de reporting environnemental des datas centers.

Elle impose ainsi aux exploitants ou aux propriétaires de datas centers d’une puissance installée des salles de serveurs et des centres d’exploitation informatique supérieure ou égale à 500 kilowatts de transmettre des informations administratives, environnementales et énergétiques relatives à l’exploitation des centres de données sur une plateforme numérique mise à disposition par la Commission européenne.

La nature exacte des informations administratives, environnementales et énergétiques doit être précisée par un texte d’application réglementaire, mais les dispositions de la directive mentionnent toutefois (i) le nom du centre de données, du propriétaire ou de l’exploitant, la date à laquelle le centre de données a démarré ses activités et son lieu d’implantation, (ii) la superficie au sol du centre de données, la puissance installée, le volume annuel de données entrantes et sortantes et le volume de données stockées et traitées au sein du centre de données, ainsi que (iii) la performance, au cours de la dernière année civile complète d’exploitation, du centre de données conformément aux indicateurs de performance clés concernant, entre autres, la consommation d’énergie, l’utilisation de puissance, les consignes de température, l’utilisation de la chaleur fatale, la consommation d’eau et l’utilisation d’énergies renouvelables.

L’absence de transmission de ces données peut conduire au prononcé d’une mise en demeure ou, le cas échéant, d’une amende d’un maximum de 50 000 euros par data center concerné ainsi que la publication de la sanction sur le site des services de l’Etat.

Dans un contexte de création exponentielle de data centers en France et en Europe, ces obligations constituent un cadre exigeant et complexe qui a probablement vocation à se renforcer encore davantage dans le futur afin d’intégrer la prise en compte des enjeux environnementaux et de durabilité.
La pression sur les opérateurs de data centers pour tendre toujours davantage vers un objectif de sobriété énergétique s’est donc récemment renforcée et a vocation, à notre sens, à encore s’accroître dans le futur. Cette pression sera d’autant plus forte si la publication des données en matière de reporting environnemental sert la cause de potentiels requérants désireux de contester les autorisations d’urbanisme et environnementales délivrées en vue de la construction de data centers.

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