Par Franck Nassah, Vice Président Digital Business Innovations chez PAC France
La très rapide propagation actuelle du coronavirus et les effets induits sur la vie publique changeant quotidiennement, il est difficile d’évaluer de manière définitive les effets de la crise sur l’économie mondiale et française. Voici une première approximation.
Il ne fait aucun doute que la crise liée au coronavirus aura un impact considérable sur le marché IT : lorsque des industriels tels qu’Airbus, PSA, Renault, Toyota, MBDA, Safran, Alstom, Dassault Aviation et leurs fournisseurs comme Daher, Stelia, Valéo, Bosch, Continental, etc., ferment leurs usines de production, tous les projets informatiques qui ne sont pas absolument nécessaires sont arrêtés ou du moins mis en pause sur un large front. L’impact sera encore plus important pour les secteurs comme l’hôtellerie ou les transports – notamment aériens avec un arrêt général des lignes en ce moment. En outre, de nombreux achats de nouveaux équipements informatiques standard seront probablement reportés pour le moment.
La situation aura des effets différents sur les segments du marché IT. Elle profite par exemple à tous les fournisseurs dont les activités sont liées à l’environnement de travail numérique (digital workplace) : le nombre croissant de travailleurs à domicile entraîne une augmentation de la demande de solutions et d’équipements afin d’être en mesure de télé-travailler. Cela s’applique non seulement à l’achat d’ordinateurs portables avec les licences logicielles correspondantes, mais aussi à l’installation de l’infrastructure nécessaire, comprenant un accès VPN et des solutions de sécurité. Tous les outils collaboratifs en mode cloud bénéficient aujourd’hui d’une demande exponentielle avec des grands comptes qui ont eu rapidement besoin d’ajouter des milliers, voire des dizaines de milliers de nouvelles licences ces dernières semaines.
La crise du covid-19 pourrait également avoir un effet favorable sur l’externalisation des activités informatiques. Les entreprises attendent de l’externalisation qu’elle les aide à réduire leurs coûts – ce qui sera certainement d’une importance capitale pendant et après la crise. De même, la responsabilité de l’exploitation des centres de données peut être confiée à des partenaires extérieurs afin de pouvoir se concentrer sur l’essentiel pendant et après la crise, à savoir les aspects métiers à forte valeur ajoutée. Toutefois, on peut également s’attendre à des effets négatifs si, par exemple, les cycles de vente sont massivement inversés et que les clients actuels (ou même potentiels) sont perdus en raison de fermetures ou d’insolvabilités d’entreprises. C’est la grande crainte des banques en ce moment ; elles sont peu impactées dans l’immédiat mais devront certainement faire face à des remboursements non honorés d’ici quelque mois. On peut aussi facilement imaginer que, pour les contrats incluant une part de transformation (ce qui est le cas pour de plus en plus de contrats), cette transformation soit décalée dans le temps pour pouvoir réduire les coûts à court terme.
Des considérations similaires (réduction des coûts, concentration sur l’activité principale) peuvent également aider les fournisseurs de services cloud. Un argument très important dans la situation actuelle est également l’extensibilité des capacités des infrastructures cloud (IaaS), plutôt à la baisse en ce moment. Il sera ensuite possible (après la crise) de faire le point pour savoir si les entreprises qui sont déjà passées au cloud ont effectivement pu ajuster leurs exigences à la baisse à court terme et ainsi pouvoir « mieux sortir » de cette crise en termes de coûts informatiques.
Nous nous attendons à un effondrement massif des activités de projets informatiques, du moins à court terme, notamment autour des applications. Les projets autour des infrastructures devraient être moins touchés car les entreprises (notamment celles qui ne sont pas du tout ou pas beaucoup passées au cloud) vont avoir besoin de rendre plus robustes leurs réseaux, développer les solutions de sécurité, etc., afin de permettre la connexion à distance d’un nombre très élevé de salariés – ce pour quoi leur SI n’a pas été conçu.
De nombreux projets informatiques en cours seront arrêtés ou mis en pause parce que les entreprises laissent leurs employés travailler à domicile afin d’arrêter la propagation du coronavirus et aussi pour baisser les coûts dans les entreprises touchées de plein fouet et dont l’activité est très ralentie voire à l’arrêt (comme Air France par exemple). Pour l’instant du moins, la communication et la collaboration au sein des équipes en souffriront, car il faudra introduire de nouvelles méthodes de travail. Les projets qui n’ont pas encore été lancés mais qui sont prévus seront réexaminés pour déterminer leur urgence et leur nécessité. Le pipeline de vente de nombreux fournisseurs IT est donc définitivement en train de reculer, du moins à court terme. Le conseil est le plus touché car ce sont uniquement des projets, certains plutôt petits, et donc facilement « décalables ».
La situation est très différente selon les secteurs d’activité, même si tous vont être impactés. Dans certains secteurs, tels que les services publics ou les télécommunications, les affaires se poursuivent en grande partie (pour autant qu’on puisse le dire actuellement) normalement, et les effets à court terme de la crise du covid-19 sur les dépenses informatiques seront limités. D’autres secteurs, en revanche, comme l’industrie, le commerce, les transports ou l’hôtellerie / restauration, vont – pour la plupart – réduire massivement ou redéfinir leurs priorités en matière de dépenses informatiques à court, voire à moyen terme.
Dans un environnement aussi extraordinaire, la mise en œuvre de projets informatiques est très difficile. Nous supposons que de nombreux projets seront suspendus. Et même si la situation revient à la normale, nous nous attendons à ce que les projets informatiques soient réaménagés en fonction des priorités.
L’article original sur le site sitis-PAC : https://www.sitsi.com/covid-19-un-v-nement-dit-un-impact-cons-quent-sur-le-march-it