ASN Ile d’Yeu Part 3 – Conception de l’étonnant plus gros câblier au monde, qui pêche par excès de stabilité

Dans ce troisième article consacré au câblier Ile d’Yeu de l’ASN, nous revenons sur l’étonnante conception et la transformation de ce navire en plus gros câblier au monde.

Comme nous l’avons évoqué dans notre premier article consacré au câblier Ile d’Yeu (lire “ASN Ile d’Yeu, l’étonnant plus gros câblier au monde”), Alcatel Submarine Networks (ASN) et son armateur Louis Dreyfus Armateurs disposaient de deux alternatives : soit construire un navire neuf, soit acquérir et transformer un navire ancien. C’est la seconde option, plus économique, qui a été retenue. A quai depuis 4 an suite à la crise de l’offshoring de la pose de pipeline, le Seven Mar, un pipe laying construit en 2001 en Corée du Sud, attendait une nouvelle vie.

Après son rachat, le réarmement du futur Ile d’Yeu dans un chantier naval de Pologne s’est déroulé en trois étapes : suppression des équipements ‘pipe’ ; remise en état de navigation ; et équipement ‘câbles’.

Pour un bateau pas trop stable…

Avant de décrire la transformation du navire, nous devons évoquer sa stabilité, jugée trop grande par son armateur. Un bateau est qualifié de stable lorsqu’il se repositionne rapidement après la gîte qu’il peut prendre selon les événements (état de la mer, vent, manipulation de poids par les grues, tirage sur le câble en cours de pose, etc.). Stable, il reprend très vite sa position initiale, ce qui se révèle stressant pour l’équipage comme pour ses équipements. Il est ainsi important que le câblier ne soit pas trop stable afin que ses mouvements en mer restent “fluides”.

Les équipements de transport et de pose de pipeline – de grandes roues extérieures pour stocker les tuyaux et de puissantes grues pour les manipuler – ont disparu. Seule demeure de plateforme hélico à la proue, qui, n’a pas d’utilité sur un câblier. Sa destruction a été envisagée, le poids de la plateforme en aluminium est faible, à l’inverse cependant des barres qui la soutiennent. Leur retrait aurait paradoxalement augmenté la stabilité du navire, et malgré la prise au vent qu’elle représente, la plateforme a donc été conservée.

Autre effet lié à la stabilité, celle-ci avait été augmentée par un précédent armateur par un élargissement de sa largeur, portée à 27 mètres, avec l’ajout de lourdes plaques de tôle. On le constate sur la photo, la partie de coques sur laquelle a été peint le logo ASN est décalée par rapport à la ligne de proue du navire.


Pour compenser l’effet d’excès de stabilité non souhaité imposé par cet aménagement de la coque, l’équipe projet de Louis Dreyfus Armateurs a conçu un énorme caisson rempli d’eau, placé à l’arrière du château (poste de commandement et postes d’équipage). Le mouvement de l’eau en cas de gîte vient la compenser, et en cas d’urgence la cuve peut être vidée pour gagner du poids.

Sous la cuve et jusqu’à la plage arrière du bateau se trouve l’immense hangar destiné aux manipulations des câbles, de la fibre et des répéteurs qui seront submergés. Et sous cet hangar, en cale, trois salles circulaires ont été aménagées pour transporter les câbles sous-marins, qui portent à plus de 8 500 tonnes la capacité d’emport de câbles et de répétiteurs, soit plus de 15 000 km de pose, ce qui en fait le plus gros câblier au monde.

Dans notre prochain article consacré à l’Ile d’Yeu, nous évoquerons les câbles et es équipements liés à la pose des câbles sous-marins.

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