Faut-il continuer de migrer dans le cloud ou revenir sur les infrastructures de datacenters privés ?

Cloud public vs datacenter privé ? Cette question, beaucoup de DSI et d’exploitants de datacenters se la posent… Voici quelques éléments de réponse.

Tribune - Yves Grandmontagne, Rédacteur en chef de Datacenter Magazine

Une récente étude de l’Uptime Institute nous apprend que 6% des organisations interrogées abandonnent le cloud. Il y a deux façons d’analyser ce chiffre : soit il démontre les prémices d’un retournement avec l’engagement d’un mouvement de machine arrière du cloud vers les infrastructures on-premise ; soit ce retournement existe mais il reste très faible et il n’entamera pas le mouvement largement engagé vers le nuage.

Les deux analyses méritent notre attention, mais nous devons ajouter que pendant ce temps la migration vers le cloud continue, mais sous une forme qui nous semble désormais moins engagée – les migrations globales de systèmes d’information sont rares – au profit de stratégies hybrides qui prennent en compte la criticité des données et des applications, et l’intégration d’une vision souveraine.

Faisons un premier constat. Il y a 15 ans, dans un article publié sur Silicon.fr, j’avais lancé un avertissement sur le coût du cloud : rendez-vous dans 10 ans ! En effet, l’argument du coût réduit, sans Capex, est imparable pour les projets ‘cloud native’ et les migrations de workloads, mais là où l’investissement dans les datacenters privés s’ammortissent, la location dans le cloud perdure et ne cesse de prendre de l’ampleur. Mon analyse était qu’à terme le cloud se révélerait plus coûteux.

Le constat aujourd’hui est que sur la distance le cloud a un coût élevé, supérieur à celui du on-premise. D’où les nombreuses démarches engagées pour mettre en place un meilleur contrôle, limiter la gabegie des machines virtuelles et services fantômes qui tournent à vide, et le déploiement de solutions FinOps de contrôle financier.

Pour autant, les offres de solutions métiers se déclinent désormais en priorité non plus en licences mais en services dans le cloud, avec le coût réduit du déploiement sans Capex (qui en réalité est chez les fournisseurs de cloud) et de l’usage en mode locatif et sans frontière réelle. Le cloud s’impose dans de nombreux domaines. Mais il ne signe pas pour autant la mort des infrastructures physiques privées.

Les fournisseurs de cloud avancent l’absence de Capex, le coût réduit de l’Opex locatif, la simplicité du déploiement, et la sécurité pour inviter à migrer vers le nuage. C’est en partie vrai, mais également faux lorsqu’il s’agit de rappeler les coûts. Et l’objectif fixé par la direction générale des entreprises n’est-il pas encore, toujours, de réduire les coûts ?

L’argument du coût qui reste favorable aux infrastructures on-premise risque fort, cependant, de ne pas tenir longtemps encore. Les datacenters sont sous la pression du prix de l’énergie, de la hausse des supply chains, de l’inflation, des salaires, et des investissements durables. Avec l’augmentation des prix des datacenters, le gap entre cloud et on-premise se réduit…

Autre constat, le prix de sortie est exhorbitant ! Il doit être pris en compte lorsqu’une organisation souhaite inverser le sens de migration et faire revenir données et services du cloud public sur son infrastructure et ses clouds privés. Depuis l’origine, les géants du cloud public verrouillent données et contrats, ce qui ne facilite pas la tâche des clients qui souhaitent s’en éloigner, qui se révèle plutôt complexe, et qui augmente singulièrement le prix de l’opération.

Mais notre analyse ne doit pas s’arrêter au seul coût. En effet d’autres motivations demeurent pour inviter les organisations à maintenir leur infrastructure on-premise. La criticité des données, tout d’abord, associée à la souveraineté – expression galvaudée aujourd’hui qui pourtant est un choix stratégique et politique qui reste fort -, les organisations ne souhaitent pas voir leurs données stockées sur des infrastructures à risque physique, géographique et réglementaire.

Le risque social est également avancé par des organisations dont la pensée sociétale est forte. Si avec le on-premise les entreprises disposent généralement d’une informatique comptablement amortie, le poids de l’humain avec les équipes tant de maintenance que de développement pèse également dans la balance, ce que les acteurs du cloud public tentent de faire oublier (alors qu’ils se sont lancés dans des licenciements massifs !).

Ajoutons la montée rapide et incontournable des questions de durabilité et d’environnement, en un mot les RSE, qui rebat un certain nombre de cartes, dont les stratégies Scope 1, 2 et surtout 3, la capacité des partenaires à répondre aux objectifs RSE de leurs clients, et l’application des réglementations locales et régionales qui se font toujours contraignantes, à intégrer dans les politiques de plateformes informatiques.

Pour résumer : nous savons que le prix du cloud est plus élevé, mais nous savons également qu’il est trop complexe de chercher à s’en détacher. De plus en plus de solutions ne sont disponibles que dans le cloud, mais le noyeau fort de l’entreprise (ERP) et des solutions métier demeure sous licence. Toutes les données et les services en sont pas éligibles au cloud public. Une stratégie de criticité doit maintenir une infrastructure on-premise, même hébergée, qui repose sur des datacenters privés et ou en colocation. Quant aux coûts de construction et d’opération des datacenters, ils ne cesseront d’augmenter durant les prochaines années.

La question qui se pose aujourd’hui n’est donc plus cloud ou on-premise, mais plutôt de privilégier des stratégies hybrides en se posant la question pour quels usages, applications et données, et dans quel cadre réglementaire ? Concernant le datacenter, cela se traduit par deux autres questions : datacenter privé ou colocation ? Et si la réponse est de conserver les infrastructures dans ses propres datacenters, quels seront les investissements et avec quelle fréquence pour assurer le retrofit réglementaire (RSE) et économique (efficacité énergétique et coût de l’électricité, eau) des équipements en place ou éventuellement investir dans de nouveaux datacenters…

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