Par Sami Slim, Directeur adjoint de Telehouse France
L’omniprésence de ténors du numérique, aujourd’hui principalement américains, demain sans doute chinois, soulève des inquiétudes en termes d’ingérence et de mainmise sur le numérique européen. Or, préserver ce secteur ne consiste pas à le priver d’accès à ces grands acteurs, mais à donner aux entreprises le choix de leurs partenaires. C’est tout l’intérêt de la souveraineté numérique : faciliter l’accès aux alternatives nationales et européennes.
Le numérique repose sur toute une chaîne de valeur. Privé de l’un de ses maillons, il ne peut exister. Cela reflète les fondements d’Internet qui, depuis toujours, repose sur la collaboration. Sans cultiver l’idée peu naïve d’une communauté mondiale philanthrope, il faut malgré tout préserver cet aspect collaboratif d’Internet sur lequel repose la chaîne de valeur numérique.
Le choix offert par la souveraineté numérique
L’hébergement et le transfert des données de l’entreprise auprès d’acteurs étrangers ne doivent pas soulever de crainte, mais simplement faire partie de tout un panel de collaborations possibles dans l’écosystème numérique qui s’offre à l’entreprise.
Parmi les acteurs en présence, il est capital que les acteurs français et européens soient à force égale avec les majors étrangers et tout aussi accessibles. Dès lors, l’entreprise peut décider, processus métier par processus métier, de l’endroit où ses données sont hébergées, de la nationalité d’un fournisseur de services numériques. Données stratégiques maintenues en France, notamment grâce aux datacenters d’hébergement qui maillent le pays, ou au contraire recours à un cloud américain doté de multiples services à valeur ajoutée pour des processus moins critiques : cette palette d’options permet d’adapter finement, de concilier protection des secrets industriels et performance en ligne grâce aux innovations internationales, notamment en matière de cloud public.
De nombreux atouts de souveraineté en France
La France jouit d’un secteur numérique solide et diversifié, qui peut compter sur des infrastructures à la hauteur des enjeux. Ainsi, l’Hexagone bénéficie de grands datacenters de connectivité et d’hébergement grâce auxquels Paris fait partie des premiers hubs mondiaux du trafic de données, positionnée sur la colonne vertébrale de l’Internet mondial.
On constate aussi une réelle volonté d’équiper davantage tout le territoire d’infrastructures et de réseaux pour que les entreprises, où qu’elles se trouvent en France, puissent se connecter rapidement à leur écosystème numérique et disposent localement de solutions d’hébergement. Cette régionalisation est capitale pour ne pas pénaliser les entreprises éloignées des grandes autoroutes de l’Internet mondial qui passent par Paris et d’autres grandes villes françaises.
Enfin, l’arrivée de câbles-sous-marins de tous les continents jusqu’à nos façades maritimes est un autre point fort. Ces câbles permettent aux entreprises de se trouver à quelques millisecondes de latence seulement des grands pôles numériques du monde entier. Ces câbles contribuent à faire de la France un point incontournable pour rapprocher services numériques et clients à l’échelle nationale, européenne et mondiale.
Cercle vertueux de la collaboration maîtrisée
La meilleure stratégie numérique ne consiste pas à fermer la porte à certains acteurs du numérique, notamment les GAFAM. Elle consiste plutôt à renforcer la France comme hub de connectivité majeur dans le monde, et à donner localement les moyens à son secteur numérique de se développer, d’innover, de lancer et distribuer ses services numériques.
Dès lors, les entreprises pourront faire leurs choix de prestataires et fournisseurs sans être contraintes d’opter pour un cloud ou un hébergement localisé dans un datacenter lointain et hors de vue, ni se priver des services numériques innovants proposés par de grands acteurs mondiaux.
Plus l’assise du numérique Européen sera solide, plus nos entreprises peuvent rester sereines et garder la main. La France a un rôle central à jouer dans cette nouvelle géostratégie du numérique.