L’efficacité énergétique des réseaux 5G est un casse-tête vieux de 150 ans

Par Andrew Donoghue, directeur mondial des relations avec les analystes chez Vertiv

Souvent perçue comme la 4ème révolution industrielle, la 5G promet un bond technologique considérable qui élargit le champ des possibles, notamment au niveau des connexions, de l’IoT et des transferts de données dont ces objets regorgent. On estime même que les avancées technologiques du réseau permettront de réaliser des économies d’électricité.

Si l’on transpose la révolution industrielle à la révolution numérique, les idées de l’économiste anglais, William Stanley Jevons, qui apparait comme pionnier des enjeux écologiques dans son livre « La question sur le charbon » de 1865, seraient alors toujours d’actualité. En effet, sa théorie, connue comme le paradoxe de Jevons, se résume ainsi : à mesure que les améliorations technologiques augmentent l’efficacité avec laquelle une ressource est employée (charbon de Jevons), on observe que la consommation globale de cette ressource augmente. Sa théorie est très complexe et sujette à controverse, mais elle peut être résumée grossièrement comme suit : plus un processus ou un système est efficace, plus nous sommes susceptibles de l’utiliser, ce qui entraîne une consommation globale plus élevée.

Le tournant de la 5G et l’effet rebond

Le déploiement des réseaux 5G a été décrit comme le changement le plus transformateur sur une seule génération au niveau des communications numériques. Inutile de rappeler à quel point les améliorations que la 5G permettra en termes de latence et de bande passante ont été débattues à l’infini.

Mais, parallèlement au déploiement de la 5G et d’autres innovations numériques, nous constatons très clairement que la durabilité et l’impact environnemental deviennent des enjeux de plus en plus importants. L’Agence américaine de protection de l’environnement définit ainsi la durabilité : « Rechercher la durabilité, c’est créer et maintenir les conditions dans lesquelles les humains et la nature peuvent exister dans une harmonie productive pour soutenir les générations actuelles et futures ».

La bonne nouvelle est que la 5G est largement reconnue comme étant plus économe que la 3G ou la 4G en terme d’énergie nécessaire à la transmission des données. De récentes études estiment que les réseaux 5G peuvent être jusqu’à 90% plus économes par unité de trafic que leurs prédécesseurs 4G.

Mais comme l’a souligné Jevons à juste titre, l’efficacité ne fait pas tout. Malgré les améliorations de l’efficacité énergétique avec la 5G, il est probable que l’utilisation globale de l’énergie mobile augmente, par rapport aux générations précédentes, à mesure que davantage de réseaux 5G sont déployés. Les réseaux 5G seront plus efficaces que les réseaux 4G, mais ils seront aussi plus largement déployés, et feront transiter beaucoup plus de données. Les estimations varient, mais selon certaines prévisions, la 5G est susceptible d’augmenter la consommation énergétique total des réseaux de 150% à 170% d’ici 2026, et les augmentations plus importantes concerneront les domaines des grands datacenters, de datacenter en cluster, et de réseaux.

D’après un rapport de Vertiv et STL Partners, l’efficacité énergétique est un facteur critique, mais pour vraiment relever le défi de la consommation électrique et des émissions de carbone posé par la 5G, tout le monde, des opérateurs aux consommateurs, doit réfléchir de manière plus globale à la consommation d’énergie et à la durabilité.

Adopter les approches durables de la 5G

Une fois que tous les efforts ont été faits de la part de opérateurs pour s’assurer que la 5G est déployée en évaluant l’ensemble des écosystèmes autour de leurs opérations réseau, ils devraient alors porter leur attention sur un deuxième point : veiller à ce que les avantages en matière de durabilité que la 5G peut permettre soient adoptés par l’ensemble de la société et des entreprises de leur écosystème.

Quant aux secteurs susceptibles d’améliorer considérablement leur productivité et leur consommation énergétique grâce aux services 5G, prenons l’exemple du secteur industriel qui pourrait réaliser jusqu’à 730 milliards de dollars de bénéfices d’ici 2030 en utilisant la 5G pour perfectionner la maintenance prédictive et l’automatisation.

Outre de se montrer experts en gestion de l’énergie à l’égard des clients, les opérateurs de télécoms doivent être également en mesure de leur démontrer qu’ils utilisent eux aussi la 5G pour développer de nouveaux processus numériques durables au sein de leur propre infrastructure.

150 ans se sont écoulés depuis les observations de William Jevons, mais la société essaye toujours de trouver les bons modèles en matière de rendement énergétique, de durabilité et même d’utilisation du charbon. Cependant, les grands changements prennent du temps. Espérons que d’ici 2170, alors que la société sera encore plus dépendante des réseaux 50G dont nous disposerons peut-être à ce moment-là, la véritable durabilité sera devenue une exigence fondamentale et non plus une aspiration.

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