Tribune – Le business des hyperscalers ne ralentit pas, tout juste doit-il s’adapter à la souveraineté

Tribune d'Yves Grandmontagne, Rédacteur en chef de DCmag - Datacenter Magazine

Le marché des datacenters est bousculé par des vagues, mais il ne fléchit pas ! Ainsi en est-il actuellement de la vague de l’IA, ou plutôt du tsunami ! Ou encore de celle qui prend de l’ampleur des datacenters Edge et de proximité. Et de la consolidation du marché des antennes. D’autres donnent l’impression d’un reflue, les télécoms qui se désengagent de leurs infrastructures, la 5G dont l’ampleur pourrait être inférieure à ce qui est attendu. Mais globalement, si le marché fluctue, il reste stable tendance à la hausse.

Et s’il est un domaine qui maintient son rythme de croissance, c’est celui des hyperscalers.

Si l’on décrypte les résultats des géants de la colocation, dont les hyperscalers (pour résumer, les GAFAM et quelques autres acteurs du cloud public) sont très largement les premiers clients, les ventes dépassent les prévisions, la demande reste forte, et les investisseurs continuent de répondre, ce qui d’un exercice à l’autre leur permet de continuer de relever leurs prévisions.

Ces tendances viennent confirmer la progression du cloud – aujourd’hui plus de 40% des charges de travail sont dans des clouds publics -, ainsi que des infrastructures de stockage des données qui les accompagnent, au détriment des infrastructures et datacenters on premise. Tandis que l’IA (Intelligence Artificielle) bouscule les pratiques et les infrastructures, et s’impose avec les projets massifs d’investissements dans de nouvelles implantations, et de rétrofit sur l’existant vieillissant (selon un phénomène naturel).

Autre phénomène favorable, l’hybridation. Qui prend des formes diverses : le cloud se veut aujourd’hui hybride, les grandes organisations associant des clouds publics à des clouds privés, et des infrastructures propriétaires pour protéger les données critiques. Environnements également d’interconnexions, qui multiplient les passerelles entre infrastructures, clusters, clouds…

Voilà pourquoi le business des hyperscalers, malgré quelques alertes comme Microsoft et Amazon qui ont récemment remis en cause des contrats de colocation (ajustement des projets pour accueillir des infrastructures d’IA nous a-t-on affirmé…), continue de progresser et que les projets de construction de datacenters continuent de fleurir.

Derrière cette vision idyllique du monde des hyperscalers se cache cependant quelques dissonances. Les analystes qui prônent le risque d’une bulle autour de l’IA sont plus nombreux, sans pour autant ralentir les investissements des grands fonds immobiliers qui s’engouffrent dans un relais de croissance réel. La multiplication des projets de datacenters et de fermes d’IA, sur lesquels se précipitent ces investisseurs, cache aussi des projets voir des porteurs de projets douteux, attirés par les promesses d’argent facile dimensionnés en milliards de dollars/euros. Projets dont principalement la logistique ne résiste pas à l’œil acéré des experts…

Une autre question émerge aujourd’hui, celle de la souveraineté. Qui d’ailleurs peut prendre des formes diverses. Aux Etats-Unis, des voix s’élèvent contre les réductions de taxes accordées aux projets de datacenters, et plusieurs comtés viennent de fermer leurs portes à des projets. Les moratoires temporaires dans certains grands hubs européens perdurent, et d’autres hubs s’interrogent sur leur devenir, en particulier énergétique et parfois hydrique. Le réglementaire, que son origine soit européen, étatique, locale, se fait contraignant. Au point de pousser des états à le contourner pour accélérer l’implantation de projets.

En France, des voix s’élèvent également, que tentent de couvrir la volonté affichée du gouvernement de favoriser l’implantation des datacenters sur le territoire. Evidemment, quand un projet se chiffre en centaines de millions, voire en milliards d’euros investissement, les arguments pour leur implantation disposent d’une force peu commune. Mais le résultat prend souvent la forme de datacenters construits par des entreprises américaines, avec des investissements américains, pour des géants américains, le tout relevant du droit d’ingérence américain… La souveraineté tant réclamée en prend un sacré coup !

En fait, la question n’est pas de savoir si le business des hyperscalers va ralentir ? La réponse est clairement : non ! La question est plutôt de savoir où il va s’implanter ? Non pas de savoir si les datacenters des hyperscalers seront construits, mais à quels emplacements, sur quels territoires, dans quels pays ? Donc non, le business des hyperscalers ne ralentit pas, il s’adapte simplement aux contraintes locales.

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