L’industrie des datacenters est confrontée à une équation énergétique de plus en plus complexe. Alors que notre société dépend toujours plus des services cloud, des infrastructures numériques et, de manière exponentielle, de l’intelligence artificielle, la consommation électrique de ces centres névralgiques augmente à un rythme sans précédent. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) alerte : la quantité d’électricité nécessaire pour alimenter les datacenters mondiaux devrait doubler d’ici 2026.
Par Chris King, VP et Directeur Général, Solutions Datacenters, EMEA, Johnson Controls
Cette spirale énergétique est particulièrement palpable en France. Les datacenters y représentent déjà environ 46 % de l’empreinte carbone du numérique et près de 11 % de la consommation électrique nationale liée au secteur, des chiffres en forte progression, notamment sous l’impulsion de l’IA générative.
Loin de se limiter à l’usage accru d’internet, cette croissance est principalement tirée par les besoins colossaux des modèles d’IA. Une simple charge de travail d’intelligence artificielle peut consommer jusqu’à dix fois plus d’énergie qu’une requête web classique, sans même considérer l’impact d’autres technologies énergivores comme la blockchain ou le calcul haute performance. Le défi n’est donc plus seulement de répondre à une demande croissante, mais de le faire de manière radicalement plus durable et responsable. L’heure n’est plus à l’ajustement, mais à la transformation.
Le refroidissement : du casse-tête à l’opportunité stratégique
Au milieu des inquiétudes croissantes sur les tensions énergétiques et l’impact climatique des datacenters, une perspective plus optimiste émerge : les solutions pour une exploitation efficace et durable, sans compromis sur la performance, ne sont plus de la science-fiction. Elles existent et sont déjà opérationnelles.
Le défi majeur réside dans le refroidissement, qui demeure l’un des postes les plus gourmands en ressources. Il représente à lui seul environ 40 % de la consommation énergétique totale d’un datacenter. Mais son impact ne s’arrête pas là : il est également un gouffre en matière d’eau. Une installation de 1 MW peut engloutir jusqu’à 25,5 millions de litres d’eau par an, l’équivalent de la consommation quotidienne de 300 000 personnes. À l’heure du dérèglement climatique et de la crise hydrique mondiale, un tel niveau de consommation est devenu intenable. Pour les datacenters français, le suivi d’indicateurs comme le WUE (Water Usage Effectiveness) est devenu crucial.
Dans ce contexte, moderniser le refroidissement des datacenters est un levier fondamental d’efficacité énergétique et hydrique, de maîtrise des coûts opérationnels et de durabilité à long terme.
Grâce à l’émergence de technologies de pointe telles que le refroidissement liquide en boucle fermée, le free-cooling ou encore la gestion thermique intelligente, les datacenters peuvent désormais maintenir des températures optimales avec significativement moins d’énergie et, surtout, une consommation d’eau drastiquement réduite. Certaines installations innovantes atteignent même une utilisation quasi nulle d’eau, prouvant qu’une approche durable intégrée dès la conception est infiniment plus efficace qu’une tentative d’optimisation tardive. Le « casse-tête » du refroidissement se transforme ainsi en une opportunité sans précédent de réinventer l’efficacité énergétique du numérique.
Aligner performance et durabilité
Le véritable enjeu pour l’industrie des datacenters n’est plus de choisir entre performance et durabilité, mais bien de les aligner. Il s’agit de continuer à repousser les limites de l’innovation technologique tout en garantissant l’efficacité énergétique, la résilience opérationnelle et une empreinte environnementale maîtrisée.
C’est précisément à ce carrefour que le refroidissement intelligent se révèle être un levier décisif. Il ne s’agit plus d’une simple optimisation technique, mais d’une composante stratégique qui concilie performance de pointe, efficacité économique et responsabilité environnementale. En adoptant des technologies de refroidissement innovantes, les opérateurs peuvent concrètement réduire le coût total de possession (TCO) grâce à une diminution significative des dépenses énergétiques et de maintenance. Ils peuvent également répondre aux exigences réglementaires croissantes en matière d’émissions de carbone et de consommation d’eau, tout en assurant une compatibilité future des infrastructures, notamment via des solutions hybrides alliant refroidissement à air et refroidissement liquide, essentielles face à l’évolution rapide des charges de travail.
Face à la croissance exponentielle des besoins, les systèmes de refroidissement doivent être aussi agiles et intelligents que les technologies qu’ils soutiennent.
Les datacenters sont devenus la colonne vertébrale de l’économie numérique. Mais alors que l’AIE alerte sur une envolée sans précédent de leur consommation électrique, il est impératif pour les opérateurs d’accélérer leur transformation.
Il est temps de repenser fondamentalement le refroidissement – non plus comme une contrainte, mais comme un atout essentiel au service de la performance, de la raison d’être de l’entreprise et de la préservation de notre planète.