2025 restera sans doute comme l’année où les hyperscalers ont transformé la “mise à l’échelle » de l’IA en programme industriel massif : environ 380 milliards de dollars auront été investis dans des régions cloud, des datacenters, des AI Factory, des grappes de GPU, et jusqu’aux câbles sous-marins.
Par Yves Grandmontagne, rédacteur en chef de DCmag
En 2025, les quatre géants de la tech — Amazon (AWS), Microsoft (Azure), Alphabet (Google) et Meta — ont engagé un rythme d’investissement dans les datacenters et l’infrastructure IA qui rivalise avec des plans industriels nationaux. Le chiffre agrégé autour de 380 milliards de dollars est représentatif de ce raz-de-marée. C’est une estimation synthétique à partir des indications officielles et des évaluations d’analystes publiées fin octobre et début novembre 2025, emportées par des capex/hardware qui donnent un total de l’ordre d’environ 350 à 420 milliards de dollars selon les sources.
Montants par acteur (estimations 2025)
- Amazon (AWS) : entre 118 et 125 milliards de dollars de Capex prévus pour l’année fiscale, AWS restant le principal moteur de ces dépenses. Les relevés trimestriels confirment des intensités de Capex très élevées.
- Alphabet (Google) : a relevé sa fourchette de Capex 2025 autour de 91 à 93 milliards de dollars, en grande partie pour étendre les régions cloud et hubs IA.
- Microsoft (Azure) : la société a annoncé être “sur la trajectoire” d’un plan d’environ 80 milliards de dollars pour l’exercice 2025, destiné à bâtir des datacenters optimisés IA (GPU, refroidissement liquide, interconnexions très denses). Les trimestres récents ont vu des Capex record (jusqu’à 35 milliards $.
- Meta : Mark Zuckerberg a confirmé un plan très ambitieux (60 à 72 milliards de dollatrs) pour des “superclusters” IA et un parc de GPU massif.
Pourquoi un tel raz-de-marée d’investissements ?
Trois raisons principales expliquent ce niveau d’effort :
- Demande explosive de puissance de calcul : les grands modèles multimodaux de l’IA exigent des grappes massives de GPU et d’accélérateurs, et des interconnexions ultra-denses, et donc les hyperscalers accroissent leur parc hardware.
- Course au time-to-market : contrôler la stack (infrastructure + modèles + services) permet de monétiser l’IA via le cloud, les assistants, la publicité et les services aux entreprise ; le risque de ne pas être prêt pourrait se traduire par la perdre des parts de marché.
- Effets d’échelle et verrouillage fournisseurs : les achats massifs chez Nvidia et d’autres fournisseurs (AMD), des contrats à long terme, et la construction d’installations avec des exigences énergétiques et de refroidissement spécifiques.
Les conséquences et les risques
Les conséquences de cette vague d’investissements sont multiples. Tout d’abord, l’afflux de dépenses fait rêver, il est potentiellement porteur de croissance dans les régions où les infrastructures s’implantent et chez leurs fournisseurs. Filière matérielle est stimulée : Nvidia, AMD, fabricants de serveurs, entreprises réseau et intégrateurs.
Mais dans le même temps les coûts d’infrastructure pèsent sur les marges et le ratio ventes / Capex s’érode. La dépréciation des serveurs et le délai de monétisation des applications IA créent un risque de Capex lourd avec des revenus différés.
Et n’oublions pas la pression sur les réseaux électriques et le greenwashing technologique : la construction de datacenters à la taille du gigawatt pose des défis énergétiques (approvisionnement électrique, stockage, accords PPA). Et nécessiter des milliers de milliards d’investissement dans datacenters et dans les infrastructures énergétiques sur le long terme (jusqu’en 2030).
Les scénarios, du succès au plantage
Ces investissements se traduiront-ils, à horizon 2 à 5 ans, par une économie de services IA robuste et rentable, ou s’ils laisseront-ils derrière eux un héritage d’actifs lourds dont la valeur économique se heurtera à l’innovation logicielle ? Deux scénarios s’opposent chez les analystes, mais aucun n’est totalement opposé à l’IA qui s’impose :
- Scénario optimiste : la demande des entreprises pour les services d’IA (cloud natif, inférence, agents industrielles, automatisation) convertit rapidement une grande partie du Capex en revenus durables ; les fournisseurs répercutent l’efficacité et la scalabilité.
- Scénario prudent : la dépréciation des actifs (GPU, composants, racks) accompagne la lente monétisation de certaines offres d’IA qui créent un déséquilibre Capex/revenus que l’on espère temporaire, accentué si la croissance macro ralentit. On notera que le risque d’accumulation de coûts structurels est réel…

