SustainIT : immersion au cœur des datacenters sud-africains avec Bpifrance

Ce que le terrain sud-africain nous apprend sur le futur des datacenters et du green IT. Quelques semaines après sa sélection par Bpifrance pour rejoindre la délégation officielle en Afrique du Sud, Fouad Zhari, CEO de SustainIT, revient sur cinq jours d’immersion entre Johannesburg et Le Cap. L’enjeu de cette mission : confronter, sur le terrain, la réalité sud-africaine des datacenters à ce que SustainIT observe déjà en Europe sur le triptyque coût – carbone – capacité.

Comme le rappelait Olivier Vincent, directeur exécutif chargé des activités export chez Bpifrance, le Parcours Business International Afrique du Sud vise à permettre à des entreprises françaises innovantes « d’identifier les bonnes opportunités, de créer les bons contacts et d’avancer plus vite ». Pour SustainIT, cette immersion a servi de stress-test grandeur nature : comment un marché en crise énergétique gère-t-il la montée en puissance des infrastructures numériques et, bientôt, des workloads IA haute densité ?

1. Un pays sous tension… mais en mouvement

Fouad Zhari

Le point de départ est clair : l’Afrique du Sud fait face à une double contrainte structurelle, énergie et eau. Load shedding, tensions réseau, épisodes de stress hydrique… l’environnement n’a rien de théorique.

Sur place, Fouad Zhari constate pourtant autre chose qu’un simple discours de crise : « En Afrique du Sud, la crise énergétique fait presque partie du décor. Et pourtant, sur le terrain, on voit un écosystème qui ne subit pas : le pays a su transformer la contrainte (énergie, eau, réseau) en accélérateur d’innovation pour les datacenters et le green IT. »

Parmi les signaux visibles :

  • des projets solaires de grande ampleur au service d’infrastructures numériques,
  • des initiatives de sobriété numérique,
  • des systèmes de dessalement alimentés par le solaire déjà déployés.

Loin d’un narratif “pays à la traîne”, le sentiment dominant est celui d’un écosystème qui cherche à transformer la contrainte en avantage compétitif.

2. Une maturité infrastructurelle largement sous-estimée

Deuxième constat de la délégation : la maturité des infrastructures sud-africaines est souvent sous-évaluée depuis l’Europe.

Sur le terrain, la délégation découvre :

  • des infrastructures modernes et bien entretenues,
  • l’un des réseaux télécoms les plus connectés d’Afrique, soutenu par de nombreux câbles sous-marins,
  • une large part du parc certifiée Tier III / IV par l’Uptime Institute,
  • une position de hub renforcée par l’un des plus grands ports du continent.

Pour SustainIT, qui intervient déjà sur des projets hyperscale en Europe, ce niveau de maturité est clé : il crée les conditions pour que des trajectoires « green datacenter » et “AI-ready” soient réalistes, à condition d’être structurées.

« Depuis l’Europe, on sous-estime clairement l’Afrique du Sud : sur place, on voit des datacenters modernes, des télécoms ultra-connectés et une vraie culture de la certification (Tier III/IV). Nous avons même constaté que des datacenters disposent du label EU Code of Conduct, à l’instar de Digital Parks Africa. Ce socle change tout : les trajectoires “AI-ready” et “green datacenter” deviennent atteignables malgré les contraintes énergétiques évidentes, à condition de structurer l’exécution. » – Fouad Zhari, CEO de SustainIT

3. Des signaux clairs vers une industrie et des datacenters “verts”

La mission Bpifrance ne se limitait pas au numérique : elle visait aussi les zones où infrastructures, énergies et industrie se rejoignent.

Fouad Zhari met en avant plusieurs signaux lourds :

  • le développement de zones industrielles 100 % “green” et de ports durables, comme Atlantis ou Freeport Saldanha, pensés dès l’origine avec une logique bas carbone,
  • une volonté affirmée d’aligner infrastructures industrielles, énergétiques et numériques.

Pour un acteur comme SustainIT, ces initiatives dessinent un terrain favorable à des stratégies de green datacenter intégrées à des écosystèmes industriels : des sites où la question n’est pas seulement « comment refroidir les serveurs », mais comment organiser un système complet coût–carbone–capacité à l’échelle d’un territoire.

Les signaux sont nets : l’Afrique du Sud a passé le cap de la simple “sobriété numérique”. Elle conçoit désormais des écosystèmes entiers – zones industrielles “green”, ports durables, énergie bas carbone – où le datacenter devient une pièce d’un système territorial maîtrisant à la fois coût, carbone et capacité.

4. Une transition énergétique consciente… et lucide

L’Afrique du Sud ne se fait aucune illusion sur sa dépendance aux énergies fossiles. Les discussions menées au cours de la mission montrent un pays :

  • pleinement conscient de la pression carbone qui pèse sur son mix,
  • engagé dans des recherches pour réduire l’empreinte du charbon,
  • tout en préparant un basculement vers des sources plus propres,
  • avec une particularité : c’est le seul pays du continent doté d’un parc nucléaire opérationnel.

Pour les datacenters, cette trajectoire se traduit par une équation à plusieurs inconnues :

  • sécuriser l’alimentation dans un contexte encore instable,
  • réduire le facteur d’émission associé au kWh,
  • rester compétitif face aux standards globaux (hyperscalers, marchés européens),
  • anticiper l’impact futur de mécanismes de type taxe carbone locale ou régulation importée.

Ce contexte renforce l’intérêt pour des approches de type PUE optimisées, excellence opérationnelle et structuration des contrats d’énergie des sujets d’optimisation de data centers sur lesquels SustainIT est déjà positionné en Europe.

Selon Fouad Zhari : « En Afrique du Sud, personne ne se raconte d’histoires : le charbon pèse lourd, la pression carbone monte, et la priorité est de sécuriser l’électricité tout en décarbonant sans perdre en compétitivité. Pour les datacenters, ça force une approche mature – PUE réellement optimisé, excellence opérationnelle, contrats d’énergie structurés, etc. – parce que l’équation énergie–carbone–coût va devenir de plus en plus contrainte, y compris via des mécanismes de taxe ou de régulations importées. »

5. L’IA comme opportunité… et comme mur thermique potentiel

Autre point marquant de la mission : la manière dont l’intelligence artificielle est perçue.

Les acteurs rencontrés voient l’IA comme :

  • un levier de croissance majeur,
  • un facteur d’attractivité pour le pays et pour leurs infrastructures,
  • mais aussi un risque énergétique et thermique si l’on transpose des architectures “ancienne génération” à des charges 30–50 kW/rack.

Les projets IA existent, mais l’adoption reste volontairement prudente : les villes et les opérateurs veulent d’abord poser des fondations durables avant de déployer massivement des capacités IA.

Ce positionnement rejoint une intuition forte de SustainIT : un site peut devenir “AI incompatible” non pas par manque d’envie ou de budget, mais faute d’avoir anticipé la bascule thermique et énergétique associée à ces workloads.

La question n’est donc plus : « faut-il faire de l’IA ? », mais : « dans quelles conditions énergétiques et infrastructurelles peut-on le faire sans exploser le PUE, l’OpEx et le bilan carbone ? »

6. Attentes des acteurs locaux : des partenaires, pas des donneurs de leçons

Dans cette mission, SustainIT n’était pas là pour “exporter un modèle clé en main”.
Les échanges avec les opérateurs, les utilities, les acteurs institutionnels et les clusters locaux révèlent des attentes très claires vis-à-vis d’un expert européen :

  • des retours d’expérience concrets sur ce qui fonctionne (et ce qui ne fonctionne pas) en Europe en matière d’efficacité et de décarbonation des datacenters,
  • une capacité à traduire ces enseignements dans un contexte où la contrainte réseau/eau est beaucoup plus dure,
  • des outils pour mettre des chiffres derrière les trajectoires (coût, carbone, capacité), utilisables en board ou en comités d’investissement,
  • et surtout une posture de partenaire long terme, capable d’accompagner des trajectoires, pas de vendre une “solution miracle”.

C’est probablement là que l’approche SustainIT : audits PUE, trajectoires d’optimisation, structuration de stratégies énergétiques, lecture financière des options trouve le plus de résonance.

« Le message des acteurs sud-africains est limpide : ils ont très bien identifié les problématiques, savent comment les traiter, et cherchent des partenaires de confiance et expérimentés pour exécuter. Des gens capables d’apporter du retour d’expérience honnête (ce qui marche, ce qui casse), de l’adapter à des contraintes réseau/eau bien plus dures, et de mettre des chiffres crédibles sur la table “coût, carbone, capacité“ pour décider en comité d’investissement, pas pour faire joli en conférence. »

7. Signaux faibles : Ubuntu, partenariat et alignement Europe–Afrique

Au-delà des chiffres et des infrastructures, cette mission Bpifrance laisse aussi des signaux plus subtils, mais essentiels :

  • une culture du partenariat très marquée, résumée par la référence régulière au concept d’Ubuntu (« je suis parce que nous sommes »),
  • une volonté de travailler avec l’Europe non pas dans une logique de dépendance, mais de co-construction,
  • un écosystème où les sujets healthtech, cleantech, infrastructures, digital, finance sont de plus en plus interconnectés.

Pour SustainIT, cela ouvre un espace très spécifique : celui d’un acteur capable de parler à la fois infra, énergie, finance et régulation, et de relier les trajectoires africaines et européennes au lieu de les opposer.

Ce qui faut retenir: un marché test, et un révélateur pour l’Europe

Pour Fouad Zhari, cette mission Bpifrance en Afrique du Sud confirme une intuition que beaucoup sous-estiment encore : « Ce qui se joue aujourd’hui à Johannesburg ou au Cap est un révélateur des tensions à venir sur les marchés européens des datacenters. Crise énergétique, pression carbone, adoption progressive mais inéluctable de l’IA, besoin de trajectoires “AI-ready” alignées avec des contraintes physiques et financières : les mêmes variables se retrouvent des deux côtés. »

La différence, c’est que l’Afrique du Sud a appris à gérer ces tensions dans un environnement beaucoup plus extrême, là où l’Europe dispose encore d’une légère marge.

Pour des acteurs comme sustainit.io, la valeur vient désormais de cette double exposition :

  • comprendre ce qui se passe sur un marché sous contrainte forte,
  • en extraire des enseignements actionnables pour les opérateurs, investisseurs et grands donneurs d’ordres en Afrique comme en Europe.

« L’Afrique du Sud est un laboratoire grandeur nature pour le datacenter de demain : énergie sous tension, carbone sous surveillance, eau comptée, IA qui pousse la densité. Ce qui se joue à Johannesburg ou au Cap annonce les arbitrages qui arrivent en Europe. La différence, c’est qu’ils apprennent déjà à décider vite, dans un monde plus contraint. À nous d’en tirer des leçons actionnables maintenant, avant que notre “confort” européen ne disparaisse. »

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