Le marché des datacenters en Asie-Pacifique enregistre une forte progression, qui cependant pourrait être beaucoup plus forte si les querelles entre la Chine et les Etats-Unis et les régulations de souveraineté au nom de la protection des données ne venaient mettre des grains de sable dans les rouages.
Chronique d'Yves Grandmontagne, rédacteur en chef de DCmag
Avec 449 datacenters, la Chine domine largement le marché des datacenters dans la région Asie-Pacifique. Suivent l’Australie, le Japon, l’Inde, Honk-Kong, Singapour, la Malaisie, l’Indonésie, le Vietnam, la Thaïlande et les Philippines. L’accès au numérique et aux technologies demeure l’un des principaux moteurs de la croissance de ce marché, où le nombre des datacenters ne cesse d’augmenter, avec l’absence de numéraire et le développement des réseaux 5G et 6G, et l’IA qui est en embuscade pour maintenir le pied sur l’accélérateur.
- Le marché des datacenters en Asie-Pacifique devrait croître à un taux de croissance annuel composé de 12 % jusqu’en 2027 et atteindre 48 milliards de dollars (*).
Pour autant, et c’est un des paradoxes de ce marché, si la demande est forte, les tensions le sont aussi, au risque de ne pas permettre la progression au rythme attendu.
- La tension entre la Chine et les Etats-Unis persiste. Elle tend même à s’accélérer, l’administration américaine qui s’attaque à l’industrie chinoise entraîne des pénuries d’équipements, de composants voire de compétences qui pèsent sur la région Asie – le Pacifique, plus proche des USA comme l’Australie ou la Nouvelle-Zélande, est moins concerné -, ce qui ajoute des couches de complexité à la construction des datacenters.
- Le renforcement des régulations, plus particulièrement en Chine, à Hong Kong et au Vietnam, renverse les processus d’évaluation de la sécurité, et par les règles d’application de la protection des données personnelles incite à adopter des stratégies de souveraineté contraignantes. Avec des effets pervers, comme par exemple de fermer aux IA locales l’accès aux données en Chine. alors qu’au contraire elles ont besoin de ces données pour s’épanouir et apporter des réponses qualifiées.
- La question sécuritaire émerge également. La multiplication des équipements connectés d’une part, celle des installations interconnectées d’autre part, sont autant de cibles recherchées par les pirates, dont la majorité est d’ailleurs issue de la région elle même, quant ils ne sont pas formés dans les universités, chinoises par exemple.
Un phénomène inattendu émerge de cette situation : confrontées à la nécessité de consolider leurs informations, tant pour les protéger que pour les exploiter, les entreprises de la région Asie-Pacifique se détournent de leurs propres infrastructures et compensent avec les géants du Cloud. Et en la matière la Chine est bien mal placée, les organisations lui préfèrent Singapour, Hong Kong et l’Australie, dont les lois plus strictes répondent mieux à leurs attentes… et qui profitent de la situation pour enrichir leurs marchés locaux des datacenters.
Pour autant, la demande de datacenters en Asie est énorme, rapide et croissante. Elle invite les acteurs locaux et les géants de la colocation présents à rechercher des biais pour augmenter leur présence, par exempe en s’implantant dans d’autres pays plus ouverts, comme la Malaisie, l’Indonésie, la Thaïlande ou les Philippines.
A partir de ces nouveaux paradigmes, deux critères s’imposent désormais pour piloter les projets de datacenters : l’immobilier, la financiarisation du secteur des datacenters est certainement au même niveaux que dons nos régions, mais elle y progresse plus rapidement (la présence de fonds souverains géants les y aide) ; et le retour sur investissement.
* Source : cabinet de conseil Renub Research