Equinix veut diversifier ses ressources d’énergie et parie sur les technologies nucléaires avancées

Equinix adopte une stratégie énergétique multi-voies : renouvelables, piles à combustible, et surtout des partenariats et pré-commandes dans le nucléaire de nouvelle génération.

L’essor de l’IA pousse les besoins en électricité des datacenters à la hausse. Ils exigent non seulement beaucoup d’énergie, mais aussi de la fiabilité (alimentation 24/7, haute disponibilité), des faibles émissions de CO₂, et une bonne maîtrise des coûts. Cependant, les réseaux électriques existants (grids) sont souvent mis sous tension (vieilles infrastructures, interconnexions limitées, intermittence des renouvelables, pénuries de capacité de pointe). Cela rend plus coûteuse ou plus risquée la dépendance à des sources non fiables ou non dispatchables.

Propositions d’Equinix : diversification vers le nucléaire avancé et autres technologies

Voilà pourquoi Equinix adopte une stratégie énergétique multi-voies : renouvelables, piles à combustible (fuel cells), et nucléaire de nouvelle génération. Qui passe par des partenariats :

  • 500 MWe sont engagés avec Oklo et ses réacteurs Aurora (réacteurs rapides) qui peuvent être alimentés dans des déchets nucléaires.
  • Une pré-commande à Radiant de 20 micro-réacteurs Kaleidos, des micro-réacteurs transportables, d’installation rapide, plus facile à intégrer localement dans des infrastructures existantes.
  • Aux Pays-Bas, Equinix s’engage avec ULC Energy et Rolls-Royce SMR jusqu’à 250 MWe pour alimenter des datacenters locaux. Le SMR « light water » de Rolls-Royce est un modèle plus classique, plus compact également, potentiellement moins coûteux, et avec des délais de construction et de déploiement plus réduits que les réacteurs traditionnels.
  • Le partenariat avec Stellaria en Europe porte sur un réacteur « Breed & Burn » à sels fondus (molten salt) de 500 MWe. Cette technologie offre la capacité de produire son propre combustible fissile liquide, avec recyclage des déchets, réduction de la re-fabrication et des arrêts pour rechargement. Potentiellement un bon compromis entre performance, durée, et gestion des déchets.
  • De son côté, Bloom Energy propose des piles à combustible solid oxide fuel cells) qui offrent production locale et haut rendement, avec un rejet de CO₂ faible comparé aux centrales thermiques classiques. Utiles pour la flexibilité, l’appoint, comme backup, ou pour atténuer l’intermittence. Bloom Energy affiche environ 75 MW de piles à combustible déjà en service, environ 30 MW supplémentaires en construction, avec un objectif de plus de 100 MW.

Calendrier de mise en œuvre et échéances

Certains accords restent préliminaires (lettre d’intention, précommande), leur traduction en projets concrets dépendra de la maturité technologique, des autorisations réglementaires, des financements, de la construction, etc. Certains réacteurs avancés pourraient entrer en service autour de 2029-2035, notamment pour Stellaria (commercialisation envisagée vers 2035) pour l’Europe.

Par ailleurs, Equinix confirme son engagement à atteindre 100 % d’énergie renouvelable dans son portefeuille global pour 2030. Mais pour tenir les promesses d’alimentation 24/7, l’ajout de nucléaire avancé est vu comme un levier indispensable.

Avantages techniques et impacts attendus

  • Facteur de capacité élevé
    Le nucléaire, surtout les SMR et réacteurs à sels fondus, permet une production continue, faible intermittence, contrairement au solaire, à l’éolien. Cela améliore la fiabilité des alimentations, indispensable pour les centres de données.
  • Réduction des émissions
    En substituant partiellement des sources fossiles ou des complémentaires peu propres, le nucléaire avancé réduit l’empreinte carbone globale. Ceci est d’autant plus vrai si le combustible est recyclé ou s’il s’agit de technologies utilisant des déchets radioactifs existants.
  • Scalabilité & modularité
    Les SMR, micro-réacteurs, et les technologies de réacteurs avancés offrent une modularité intéressante : capacité adaptée, délais de construction plus courts, potentiellement moins de coûts de site, adaptabilité à la demande locale ou régionale.
  • Renforcement du réseau électrique (grid resilience)
    En ayant des capacités de production intégrées ou contractualisées via le nucléaire, Equinix diminue sa dépendance au réseau local pendant les pics, ou pendant les pannes. Par ailleurs, Equinix participe à des investissements dans les infrastructures de transmission, sous-stations, etc.

Défis techniques et risques à maîtriser

  • Réglementation et permis
    Le nucléaire, même avancé, est soumis à de fortes contraintes de sécurité, de sûreté, d’autorisation (licensing), de gestion des déchets, de sûreté nucléaire. SMR et micro-réacteurs, bien que plus simples, ne sont pas encore tous standardisés dans tous les pays.
  • Financement & coûts initiaux
    Les investissements sont très lourds, les retours se réalisent sur de longues périodes. Les coûts de construction, de maintenance, de sûreté, de combustible doivent être amortis.
  • Technologie encore en développement
    Certains des types de réacteurs (breed & burn molten salt, micro-réacteur transportable, etc.) n’ont pas encore été testés à grande échelle commerciale ou nécessitent des démonstrateurs. Le risque technique (retards, surcoûts, performance en conditions réelles) existe.
  • Intégration au réseau et stockage
    Même avec du nucléaire, il peut y avoir des besoins pour du stockage ou des redondances, pour anticiper les interruptions (maintenance, incidents, etc.). Le raccordement, les lignes haute tension, les sous-stations doivent accompagner la montée en capacité.
  • Acceptabilité sociale et perception
    Le nucléaire reste un sujet sensible dans de nombreux pays — sécurité, gestion des déchets, accidents historiques, perception du risque.
  • Approvisionnement en combustible : Pour certains réacteurs avancés (notamment ceux recyclant les déchets ou utilisant des combustibles spécifiques), l’approvisionnement en matière fissile, matière première ou combustible recyclé sera un facteur clé.

Implications pour le futur des datacenters

Les datacenters de nouvelle génération, notamment ceux pour AI / HPC, devront être conçus dès le départ avec une stratégie énergétique intégrée : choix du site selon l’accès au nucléaire ou à des PPA (Power Purchase Agreements) nucléaires, possibilités de micro-réacteurs sur site ou à proximité, redondance, etc.

  • Les architectures de refroidissement, d’efficacité énergétique, les normes (ex : températures, ASHRAE, refroidissement liquide, etc.), devront continuer à progresser pour réduire la consommation électrique hors informatique (notamment climatisation et ventilation). Equinix mentionne par exemple l’adoption de meilleures pratiques ASHRAE A1, des technologies liquides, etc.
  • Les partenariats public-privé, les politiques nationales / régionales pour faciliter les autorisations, financements, réglementation, jouent un rôle déterminant.
  • Le mix énergétique sera hétérogène : nucléaire, renouvelables et sources locales (piles à combustible, éventuellement gaz de transition, etc.). La flexibilité sera clé pour s’adapter aux contraintes de chaque région.

Equinix semble prendre des initiatives techniques solides en pariant sur les technologies nucléaires avancées (SMR, micro-réacteurs, réacteurs à sels fondus) en complément des sources renouvelables et des piles à combustible. Si ces accords aboutissent comme prévu, cela pourrait constituer un tournant dans la manière dont les grands exploitants de data centers abordent leurs besoins en énergie : plus de fiabilité, moins d’intermittence, une empreinte carbone réduite.

Mais c’est un pari qui dépend fortement de la maturité technologique, de la réglementation, de l’acceptation sociale, et de la capacité à maîtriser les coûts. Pour les années à venir (2029-2035), nous verrons si ces projets passent en phase opérationnelle à large échelle.

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