Le parcours tortueux vers des datacenters durables

On oppose aux datacenters leur conception émettrice de CO2 et leur consommation énergétique. C’est oublier que tous les acteurs de ce marché stimulent le développement d’infrastructures écologiques et de datacenters durables.

Tribune par Yves Grandmontagne, rédacteur en chef de Datacenter Magazine

On commence à l’oublier, mais au cours de la première décennie du nouveau millénaire, le marché des datacenters s’est montré particulièrement vertueux : alors que le nombre de datacenters a plus que doublé, leur consommation énergétique n’a augmenté que de 3%. Le mérite en revient à l’adoption massive du Free Cooling et de nouvelles approches de la climatisation des salles informatiques (comme l’adiabatique ou le confinement). Elles ont permis de réduire sensiblement la consommation électrique du refroidissement, qui lors du passage à l’an 2000 était supérieur à celle des serveurs avec à l’époque des PUE supérieurs à 2,5.

Depuis, la tendance sur les datacenters demeure à l’abaissement continu du PUE et du WUE, de la consommation d’électricité et d’eau. Jusqu’à certaines limites physiques, qu’il semble cependant difficile de franchir sans changer les règles. Pourtant, tout milite pour aller dans ce sens, et s’impose aux investisseurs comme aux opérateurs de datacenters. Ont-ils d’autres choix, d’ailleurs ? La marche vers des datacenters durables est engagée depuis longtemps, leurs opposants l’ont-ils compris ?

Les facteurs politiques et réglementaires s’imposent aujourd’hui, accompagnent les pactes pour le climat, et resserrent la pression sur les datacenters invités à se diriger à marche forcée vers toujours plus de durabilité. L’adhésion à l’Accord de Paris, l’adoption de certifications comme ISO50001, ou encore les engagements sectoriels comme le Climate Neutral Data Centre Pact, viennent montrer les engagements de l’écosystème en faveur du développement durable. Ce qui a cependant peu d’effet sur les gouvernements qui continuent de pousser vers la durabilité sans bien en comprendre les contraintes, à l’exemple du développement problématique voire inadaptable des chauffages urbains.

Au regard des énergies renouvelables, et aux engagements de la majorité des opérateurs de datacenters a être 100% énergies renouvelables dans les prochaines années, les hyperscalers, et les opérateurs de colocation et d’hébergement, stimulent cet engagement. Parfois par des biais qui peuvent être discutables, comme les PPA (Power Puschase Agreement), où ils compensent la faiblesse de l’offre d’énergie verte par des engagements dans la construction de producteurs éoliens ou solaires, sans pour autant être alimentés par ces énergies nouvelles. Mais peuvent-ils faire autrement dans l’immédiat pour soutenir la pression ?

Remarquons cependant que ce sont les équipementiers des datacenters plus que les opérateurs qui supportent les développements qui accompagnent le déploiement de technologies et de méthodes plus durables. En particulier avec des bétons verts, les systèmes UPS à base de lithium-ion, les piles à combustible, les générateurs à gaz naturel, les réacteurs nucléaires, ainsi que des solutions de réseau intelligent et de nouveaux appareillages de commutation compatibles avec différentes sources d’alimentation.

Quant aux clients, ils continuent de mettre la pression sur les opérateurs… pas toujours avec des motivations avouables. Leurs priorités demeurent l’abaissement des coûts et la contrainte de la réalisation de leurs objectifs RSE, ce qui dans les deux cas se traduit de nouveau par un excédant de pression sur les fournisseurs équipementiers. Tant que cela va dans le bon sens, on leur pardonnera ces écarts.

Un mouvement est déjà largement engagé : le carburant à base d’huile végétale hydrotraitée (HVO) fait partie des tendances émergentes sur le marché des datacenters durables. Des compagnies pétrolières sont également impliquées dans le développement de stations-service HVO qui devraient faciliter l’introduction du HVO dans les installations. Mais soyons réalistes, la majorité des groupes électrogènes en place n’acceptent que le diesel, et en dehors des projets nouveaux l’adoption du HVO reste liée au renouvellement du parc installé, qui se fera à un rythme… lent.

Nonobstant ces problématiques, certains s’orientent vers le déploiement de datacenters modulaires intégrant des matériaux durables. Qui se révèlent être d’excellents substituts aux datacenters traditionnels, et cela malgré l’arrivée de bétons durables. Et ils sont hautement prévisibles, efficaces et flexibles, ce qui n’est pas le moindre de leur intérêt.

Ils nécessitent moins ou pas d’utilisation de béton et peuvent être construits de manière progressive. Ils peuvent également intégrer des matériaux d’origine végétale et d’autres matériaux durables tels que le bois, le chanvre et le mycélium, qui peuvent révolutionner le processus de construction et d’exploitation des datacenters. L’impact environnemental du déploiement d’un datacenter modulaire est donc moindre. Et le coût d’exploitation est environ 30 % moindre qu’une installation de centre de données traditionnelle.

Au final, le parcours des datacenters vers la durabilité est pavé de difficultés, mais aussi et surtout de potentiels et d’espoir pour des technologies, comme l’IA, qui devraient les accompagner dans leurs objectifs. Reste à le faire comprendre à leurs opposants, et c’est là une mission bien ingrate qui reste à endosser par l’écosystème.

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