L’Europe paie encore le prix fort des pannes informatiques majeures, à l’image de l’incident sans précédent ayant paralysé plusieurs entités publiques et privées en Espagne au printemps 2025. Désormais, la résilience organisationnelle s’impose comme une exigence stratégique pour les entreprises.
Par Nicolas Oueriemi, CTO France, Head of Solutions Architect, Broadcom
Les dirigeants, confrontés à la recrudescence des crises et à la multiplication des menaces numériques, tendent naturellement à assimiler la résilience à une simple forteresse anti-cyberattaque. Pourtant, cette vision simpliste masque la complexité d’un enjeu clé : comment maintenir l’activité et protéger la continuité d’exploitation lorsque l’imprévisible frappe et que les modes opératoires évoluent plus vite que la capacité à s’adapter ?
Le consensus est là : selon Deloitte, 88% des membres de comités exécutifs placent la résilience au sommet de leurs préoccupations, mais à peine 39% disposent d’une vision réellement partagée de ce que recouvre ce concept au sein de leur structure. Prétendre y répondre, ce n’est pas seulement prévenir la catastrophe. C’est rendre l’entreprise capable de rebondir, d’assurer la continuité du service sous contrainte, et de pérenniser sa mission quelles que soient les circonstances. Encore faut-il actualiser nos grilles de lecture, nos processus et nos solutions pour hisser la résilience au rang de vecteur de création de valeur, en phase avec la réalité opérationnelle de 2025.
Adapter notre approche face à l’essor des menaces numériques… et au-delà
Les approches de résilience centrées uniquement sur la redondance technique ne sont plus adaptées aux architectures distribuées actuelles. Les régulations européennes (DORA, NIS2, Cyber Resilience Act) imposent désormais une vision élargie de la gestion du risque, intégrant l’ensemble des menaces, y compris celles liées à l’IA.
Avec l’émergence des systèmes autonomes, les défaillances deviennent plus critiques, et les attaques plus complexes. Ces nouvelles couches technologiques exigent des cadres de résilience renforcés, capables de protéger à la fois les données et l’intégrité des décisions automatisées.
Dans un contexte multicloud ou hybride, la sécurité ne peut reposer sur un seul fournisseur. Il faut une architecture de défense en profondeur, indépendante des environnements, orchestrée de manière centralisée et testée régulièrement sous contrainte. Ce qui relevait de la bonne pratique devient, pour beaucoup de secteurs, une obligation réglementaire.
Se protéger des événements mondiaux et des réglementations changeantes
Une autre considération clé en matière de résilience est l’impact des forces externes au-delà des cyberattaques. Nous vivons dans des temps incertains où les tensions géopolitiques affectent de plus en plus le paysage technologique. Par exemple, les conflits mondiaux entraînent non seulement une instabilité régionale, mais peuvent également perturber les chaînes d’approvisionnement et, dans des cas extrêmes, couper entièrement des régions. Les organisations doivent avoir des stratégies en place qui permettent de déplacer rapidement les charges de travail, sans aucune contrainte de conformité. Et certains matériels peuvent devenir indisponibles à court terme en raison de perturbations de la chaîne d’approvisionnement.
Le paysage réglementaire mondial continue de se fragmenter régionalement. Comme le démontre l’imposition récente de tarifs douaniers, la divergence réglementaire mondiale peut non seulement avoir de graves implications en termes de coûts, mais peut également nécessiter une réorganisation de la structure organisationnelle pour refléter les régions sur lesquelles l’organisation est concentrée. La résilience organisationnelle doit également prendre en compte les potentiels changements réglementaires futurs. Les solutions de cloud souverain peuvent aider à construire une résilience pérenne – permettant une innovation continue tout en facilitant la conformité réglementaire.
Repenser la résilience de l’intérieur et renforcer la continuité opérationnelle
Face à une complexité croissante, la résilience passe autant par des choix technologiques que par une transformation organisationnelle. Portabilité, indépendance vis-à-vis des plateformes et montée en compétences des équipes internes sont autant de leviers pour neutraliser les dépendances critiques et renforcer la capacité d’adaptation. Les architectures rigides ou les plans de reprise classiques ne suffisent plus : garantir la continuité impose désormais une cartographie précise des risques, des systèmes interopérables et automatisés, et une bascule fluide entre environnements cloud, sans rupture.
Intégrer la modularité, l’orchestration intelligente et l’appui sur des partenaires complémentaires devient une nécessité. La résilience ne peut plus être une réaction : elle devient un pilier stratégique, combinant agilité technologique, excellence humaine et culture d’amélioration continue.