Confrontés au décalage entre l’explosion de la demande énergétique des datacenters et le rythme de déploiement de nouvelles solutions de production d’électricité, les datacenters américains se tournent vers le gaz naturel considéré comme une transition vers les énergies renouvelables et un pont vers le nucléaire et l’hydrogène.
Aux Etats-Unis, l’hyperscale et la colocation, tirés par le cloud et l’IA, sont confrontés à une demande énergétique sans précédant. Les infrastructures de production et de transport de l’énergie ne suffiront pas dans l’immédiat à répondre à leurs attentes. La production d’énergies renouvelables est encore trop faible, intermittente, et manque de solutions de stockage. Quant à la production d’énergie par l’hydrogène et le nucléaire…
Dans ces conditions, les hyperscalers vont rencontrer des difficultés à atteindre leurs objectifs ambitieux en matière de développement durable. Certains d’entre eux ont d’ailleurs commencé à l’évoquer. Ils vont continuer de dépendre des combustibles fossiles et d’augmenter leur empreinte carbone.
Même constat pour les plus petits opérateurs de datacenters, qui peinent à se procurer de l’énergie propre et sont confrontés à la croissance lente des énergies renouvelables. Devraient s’y ajouter une double sanction : réglementaire dans certains états plus concernés que d’autres par les questions environnementales, et le fort risque de hausse des coûts d’exploitation.
Pour le moment, les principaux concernés par la course à l’énergie sont les hyperscalers. Tous pourraient se tourner vers la production d’électricité sur site, que ce soit à des fins principales ou de secours. Il s’agit également pour eux de limiter le risque de réaction négative des communautés, car leur consommation massive d’électricité a un effet sur l’intermittence des réseaux.
Pour assurer à la fois l’accès à l’énergie et la transition vers la décarbonation, les opérateurs américains de datacenters portent leur regard dans l’immédiat vers la production d’électricité au gaz naturel. Celui-ci, par sa composition moléculaire, offre une efficacité de combustion supérieure au charbon et au pétrole, qui sont encore le combustible de nombre de centrales. Et son profil d’émissions carbone se montre moins intensif donc plus propre. Ajoutons que la production et l’alimentation d’électricité par gaz est plus fiable.
C’est pourquoi, en marge de la médiatisation des PPA dans le renouvelable et de la multiplication des investissements et accords dans le nucléaire et les SMR, la demande de gaz naturel émanant des datacenters augmente.
Concrètement, la majorité des opérateurs de nouveaux datacenters en cours de développement (60% sur 300 projets recensés par TC Energy) sont à la recherche de connexions directes aux pipelines de gaz naturel dans le but d’assurer une production sur site.
Pour sécuriser les sources d’énergies, les énergéticiens eux-mêmes retardent la fin de vie de leurs centrales gaz, parfois charbon et pétrole. Certains relancent également des projets de construction de nouvelles centrales gaz, plus facile à déployer, plus rapidement et à moindre coût que le nucléaire.
Force est de constater également l’évolution du discours des opérateurs, surtout les hyperscalers. Tous sont à la recherche de solutions pour alimenter leurs futurs datacenters. Et tous ont pris le virage du nucléaire. Mais dans le même temps, s’ils maintiennent leurs objectifs (principalement 100% décarboné en 2030), leur discours sur la décarbonation semble passer au second plan.
La priorité aujourd’hui est d’accompagner les changements de modèle technologiques, donc la migration vers le cloud et l’IA, quitte à mettre en sourdine les considérations environnementales.
Le lobbying fonctionne à plein. L’Energy Information Administration (EIA) vient de rappeler que le gaz naturel se compose principalement de méthane (CH₄), qui présente un rapport hydrogène/carbone plus élevé que le charbon ou le pétrole. Lors de sa combustion, le gaz naturel produit plus d’énergie par unité de dioxyde de carbone (CO₂). Les centrales modernes, à turbine à gaz à cycle combiné (CCGT), peuvent atteindre des rendements thermiques allant jusqu’à 60 % (33-40 % pour les centrales au charbon).
Conclusion : le gaz naturel brûle plus efficacement et de manière plus propre. Flexible, il équilibre la demande du réseau. Carburant de transition vers les énergies renouvelables, il s’intègre aux énergies renouvelables intermittentes comme l’éolien et le solaire. Ajoutons que, sans nécessiter de modifications importantes de l’équipement, les centrales électriques au gaz naturel existantes peuvent mélanger jusqu’à 20 % d’hydrogène en volume avec du gaz naturel, réduisant ainsi les émissions de carbone.
Du gaz naturel au nucléaire et à l’hydrogène, il n’y a qu’un pas que les datacenters s’apprêtent à franchir.