La puissance de raccordement des datacenters peut désormais être modifiée (réduite) par RTE lorsque la puissance maximale soutirée par ces installations est inférieure à la puissance de raccordement en soutirage prévue. Ce dispositif, mieux connu sous la terminologie anglaise « Use it or lose it » (UIOLI), est prévu par l’article L. 342-24 du Code de l’énergie, et entrera en vigueur le 1er août 2025 pour les installations existantes et nouvelles.
Experts - Aurore-Emmanuelle Rubio, Avocate Associée , et Chloé Mifsud, Avocate, CMS Francis Lefebvre, Energie & Décarbonation
Les gestionnaires de réseaux d’électricité font face à un accroissement des demandes de raccordement et de modification des raccordements existants, avec des contraintes fortes pour les réseaux électriques. Dont le dispositif UIOLI (Use it or lose it), est prévu par l’article L. 342-24 du Code de l’énergie, qui entrera en vigueur le 1er août 2025 pour les installations existantes et nouvelles.
Les datacenters ne sont pas exemptés du dispositif UIOLI
Malgré la demande de la filière, l’arrêté du 14 novembre 2024 relatif aux installations soumises à l’article L. 342-24 du Code de l’énergie s’applique aux data centers.
La filière souhaitait en effet être exclue du dispositif, compte tenu de l’importance stratégique des data centers pour la souveraineté numérique de la France et de l’évolution progressive de leurs besoins en fonction de la demande de leurs clients.
En ce sens, dans sa réponse publique à la seconde consultation menée par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) sur ce dispositif, Microsoft prenait l’exemple des Pays-Bas. Cet Etat a également introduit des règles similaires au dispositif UIOLI, en exemptant néanmoins certains clients fournissant des « services essentiels », à l’instar des datacenters.
La CRE saisie de cette suggestion d’exemption a toutefois considéré que l’exclusion des datacenters pourrait emporter des discriminations entre les usagers, difficilement compatible avec le principe d’égalité d’accès au réseau.
La puissance de raccordement demandée sera modifiée si la puissance souscrite lui est inférieure
Les modalités de modification de la puissance de raccordement ont été adoptées par la CRE dans une délibération n° 2024-229 du 18 décembre 2024.
Au préalable, les acteurs avaient été consultés par le régulateur dans le cadre de deux consultations publiques : une première consultation en date du 3 avril 2024, et une seconde consultation en date du 12 juillet 2024. A l’occasion de cette dernière, la CRE a pu ajuster sa position concernant les contraintes de raccordement des data centers, notamment s’agissant des délais de modification de puissance.
La CRE proposait initialement une modification systématique et automatique de la puissance de raccordement cinq ans ou deux après la mise à disposition des ouvrages de raccordement, selon le réseau auquel l’installation est raccordée. Sur ce point, les opérateurs de data centers consultés ont indiqué au régulateur qu’un temps de montée en charge de cinq à dix ans est généralement nécessaire pour atteindre la puissance de raccordement cible.
Dans sa délibération n° 2024-229, la CRE a donc retenu les modalités de modification de puissance de raccordement suivantes :
- Si le demandeur au raccordement choisit un raccordement avec montée en charge, comme cela sera probablement le cas d’exploitants de data centers, cette montée en charge sera progressive jusqu’à dix ans ;
- L’utilisateur souhaitant se raccorder directement pour sa puissance cible verra sa puissance réévaluée à l’issue d’une période de cinq ans à compter de la mise à disposition des ouvrages.
L’utilisateur pourra modifier les valeurs intermédiaires de sa puissance de raccordement sur au moins trois périodes au cours de ces dix premières années.
Dix ans après la mise à disposition du raccordement, la puissance de raccordement finale devra être atteinte.
La délibération n° 2024-229 prévoit également que la puissance de raccordement ne sera pas modifiée si la puissance souscrite par l’utilisateur sur la période de montée en charge est égale à la puissance demandée sur la même période.
En revanche, dans la situation où la puissance souscrite est inférieure à celle demandée, RTE pourra procéder à la modification de puissance. Dans ce cas, le gestionnaire de réseau déduira la puissance récupérée des valeurs intermédiaires suivantes et de la puissance finale.
Pour illustrer l’engagement d’un client sur une montée en charge, la CRE propose le schéma ci-dessous dans sa délibération n° 2024-229 :

Le demandeur du raccordement peut être indemnisé du fait de la modification de puissance lorsqu’il sollicitera une augmentation de cette puissance
Certaines modifications de puissance de raccordement n’ouvriront pas droit à indemnisation : c’est le cas des modifications de puissance des installations pour lesquelles la convention de raccordement en vigueur au moment de la modification aura été signée à compter du 1er août 2025.
En revanche, une indemnisation égale à 60 % du coût du raccordement restant après la réfaction pourra bénéficier à l’utilisateur. Une telle indemnisation s’appliquera aux utilisateurs voyant leur puissance de raccordement modifiée et sollicitant une augmentation de cette puissance, pour autant que leur convention de raccordement antérieure soit au 1er août 2025. Cette indemnité sera déduite de la contribution financière au titre du raccordement.
Les demandes d’augmentation ultérieures n’ouvriront pas droit à indemnisation.
RTE devra adapter sa documentation technique de référence
La documentation technique de référence de RTE va devoir être modifiée afin d’intégrer les modalités de modification de puissance de raccordement et d’indemnisation précisées par la CRE.
Pour cela, RTE doit saisir le régulateur avant le 1er juin 2025 pour approbation des projets de procédure de raccordement, des modèles de convention de raccordement et de contrats d’accès au réseau (CAR).
Enfin, la CRE précise dans sa délibération n° 2024-229 que les modalités définies dans celle-ci prévalent sur toutes les stipulations contractuelles des CAR ou des contrats uniques qui ne seraient pas encore mises à jour au 1er août 2025.