Etats-Unis : la guerre des datacenters est lancée

Face à l’explosion de la demande de datacenters, de nombreuse oppositions s’élèvent. Mais c’est également une guerre qui s’annonce entre les opérateurs de datacenters pour s’approprier les ressources foncières, énergétiques… et communautaires !

Tribune d'Yves Grandmontagne, rédacteur en chef de DCmag

La croissance du cloud et de l’Intelligence Artificielle entraîne l’explosion de la demande de datacenters. Et aux Etats-Unis, ces derniers sont plutôt bien accueillis par des comtés et des villes séduits par les hyperscalers et à la recherche financement et de créations d’emplois.

Bien évidemment, un tel succès s’accompagne également d’oppositions. Surtout qu’après les grands hubs, qualifiés de villes Tier 1, les entreprises technologiques cherchent à s’implanter dans dans le paysage américain sur les villes Tier 2 ou plus, et à proximité de la production d’électricité.

Les oppositions se font toujours plus fortes : les datacenters ‘moyens’ créent peu d’emplois, le réseau électrique est mis sous tension, les installations sont trop proches des habitations, les générateurs diesel polluent… Nous connaissons la litanie des reproches qui sont faits aux datacenters.

Une nouvelle opposition, plus structurée, plus politique, émerge aujourd’hui : la puissance des hyperscalers fait craindre pour la santé économique, sociale et environnementale des communautés.

Les datacenters sont présentés comme une riche source de taxe foncière, mais est-ce suffisant pour ne pas contre-carrer leur implantation, surtout à proximité des habitations ? Et il apparaît que très souvent, ces rentrées dans les caisses des villes sont inférieures aux incitations fiscales dont ils bénéficient.

L’exemple d’Amazon est significatif : dans le comté de Morrow, dans l’Oregon, AWS a construit cinq datacenters et payé environ 34 millions de dollars de taxes. Mais dans le même temps, il a reçu un allègement fiscal de 66 millions de dollars. Les sympathisants d’AWS soulignent les 1,7 million de dollars de ‘dons bienfaisance’ versés par le géant du cloud, qui ont permis de recruter un agent scolaire et d’acquérir une nouvelle grande échelle pour les pompiers.

Mais pour les autres le compte n’y est pas. Surtout lorsqu’un accord a été conclu entre le comté de Morrow et AWS pour bénéficier d’environ 1 milliard de dollars d’allègements fiscaux répartis sur 15 ans pour construire cinq nouveaux datacenters ! Et qu’une enquête a révélé que trois anciens élu ayant signé l’accord avec AWS détenaient une participation dans l’entreprise…

Mais c’est une autre guerre qui pointe également dans le monde du datacenter, celle que commencent à se livrer les hyperscalers et leurs partenaires pour trouver de nouveaux emplacements pour les futurs sites. Car il faut du foncier, de l’énergie et de l’eau, et faire en sorte de recevoir un accueil positif des élus.

Et ce n’est pas qu’aux Etats-Unis que les prémices de cette guerre se font ressentir. En France, annoncez que vous êtes porteur d’un projet et vous serez courtisés par des intermédiaires à la recherche d’emplacements pour leurs clients. Et qui nous semble-t-il ne rechignent pas sur le montant du chèque !

Nous assistons à une véritable sur-enchère sur le coût des investissements de base, le foncier principalement, qui justifie également du rapprochement des opérateurs avec des sociétés d’investissement.

Cette guerre devrait donc s’amplifier, gagner de nouveaux territoires, avec une perspective d’augmentation singulière des investissements qui va se traduire par des jeux de séduction entre les porteurs de projets concurrents et des élus attirés par cette nouvelle manne financière. Jeux de séduction, jeux d’oppositions également, avec des sommes investies considérables qui ne risquent pas de calmer les ardeurs des uns comme des autres.

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