Ce n’est pas un secret, les Etats-Unis espionnent le monde. Ainsi les médias danois ont révélé, ce qui là encore n’a rien d’un secret, que les services secrets américains auraient écouté des personnalités européennes, comme la chancelière allemande, Angela Merkel, de 2012 à 2014, ainsi que d’autres dirigeants, suédois, norvégiens et français.
L’opération secrète d’espionnage, baptisée Opération Dunhammer, aurait reposé un partenariat secret signé par les agences NSA pour les Etats-Unis et les services secrets danois (Forsvarets Efterretningstjeneste, FE).
Ce qui est nouveau dans cette affaire, c’est la révélation sur la méthode : les espions américains se seraient branchés sur les câbles sous-marins en accord avec le gouvernement danois, le Danemark étant le lieu d’atterrissage de plusieurs câbles transatlantiques, et un point de transit pour des câbles terrestres européens. Les espions américains auraient déployé un système d’interception de données nommé XKeyscore depuis une base à Sandagergårdan, près de Copenhague.
La NSA aurait utilisé XKeyscore pour renifler en masse le trafic Internet et mobile et intercepter les communications telles que les e-mails, les appels téléphoniques, les SMS et les messages de discussion envoyés aux numéros de téléphone et aux adresses e-mail des politiciens européens, et certainement plus.
Pour résumer, pour espionner des individus, il suffit de s’arranger avec des autorités locales – d’un pays sympathisant aux agences consentantes – pour disposer d’un accès aux fibres, et du numéro de téléphone des personnes ciblées, pour détecter et pirater leurs communications. Et comme 90 voire 95% des transactions financières passent par les Etat-Unis via les câbles sous-marins, rien n’est plus simple pour espionner le monde à la condition de disposer de la technologie adéquat.
L’opération secrète se serait brusquement arrêtée en 2014 après que des responsables du gouvernement danois ont appris la collaboration NSA-FE à la suite des fuites de Snowden.
Quant à la réaction du Président Macron, qui a sommé les États-Unis et le Danemark de s’expliquer après les révélations des médias danois sur ces pratiques d’espionnage, il se livre certainement à un jeu de dupe. Car chacun espionne l’autre, et vice versa. C’est juste plus simple si l’on dispose d’accès aux stations de câbles sous-marins.
[…] Le numéro de juillet du Monde Diplomatique dédie une double page sur la géopolitique des câbles sous-marins de télécommunication. Si la pose, le maintien et l’exploitation de ces infrastructures éminemment stratégiques sont des activités du ressort du secteur privé, les États s’affrontent néanmoins plus ou moins en sous-marin, notamment autour de la localisation de nouveaux câbles. Ce constat n’est pas nouveau en soi, dès le XIXe siècles les câbles télégraphiques seront en effet sujets à d’âpres frictions entre grandes puissances occidentales. Des chercheur.e.s tels que Camille Morel, docteure en droit public ayant consacrée sa thèse sur l’État français et son rapport aux câbles, ou encore Dominique Boullier, professeur à SciencesPo Paris spécialiste des sujets numériques, brossent, à partir de leur discipline respective, un tableau général du monde des câbles. Outre la place de l’Afrique, considérée comme une terre encore vierge mais néanmoins attractive en ce qui concerne la connexion fibre, il est souligné la montée en puissance des GAFAM dans la constitution de câbles exclusivement conçus pour leurs propres besoins . En effet, ces derniers ont massivement investis depuis quelques années dans ces infrastructures, du fait d’un usage toujours croissant de leurs services, qui a par ailleurs été amplifié par la pandémie mondiale que nous connaissons. Gagner en autonomie et accroître le contrôle sur les flux de données de point à point (ici, de centres de données à centres de données) est devenu un enjeu majeur pour les Big tech. L’enjeu de la souveraineté y est également abordé à l’aune du cas des câbles, ces derniers étant régulièrement cités dans le cas d’espionnage par des services de renseignements américains. […]
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