Déployer des datacenters dans l’espace ? C’est aujourd’hui plausible pour des usages ciblés (archives résilientes, pré-traitement satellitaire, démonstrateurs d’IA) au point d’attirer l’intérêt stratégique et commercial. Mais si les leviers techniques existent (refroidissement naturel, solaire, constellations LEO), les défis économiques, de maintenance, réglementaires et de gestion des débris restent majeurs.
DCmag les évoque régulièrement, les projets de datacenters dans l’espace, principalement sous la forme de satellites en orbite basse (LEO) avant de conquérir la Lune, affichent sur le papier des avantages stratégiques et des cas d’usages aptes à les rendre séduisants :
- Souveraineté et résilience des données : en permettant de positionner des infrastructures hors des juridictions terrestres, l’espace peut être conçu comme un atout pour la résilience (sauvegarde en cas de catastrophe terrestre) et comme levier de souveraineté numérique pour certains États et entreprises.
- Edge global et collecte satellite : avec des constellations LEO (low earth orbit ou orbite terrestre basse) massives, rapprocher le calcul des sources (observations EO, IoT, télédétection) réduit le volume de données à renvoyer au sol et accélère les pipelines d’IA (filtrage, compression, inférence). C’est ainsi que certains analysent LEO comme une couche d’edge distribuée.
- Applications spécifiques : archivage longue durée (backup « off-planet »), calcul intensif non interactif (entraînement batch d’IA), traitement d’images satellites en temps quasi-réel, services militaires ou diplomatiques sensibles, et même services commerciaux « zéro-eau » pour clients soucieux d’empreinte hydrique.
Les arguments technologiques et économiques des datacenters dans l’espace
Au fur et à mesure qu’émergent des projets, les acteurs qui les portent multiplient les arguments au profit des datacenters dans l’espace, ‘pour’ mais aussi ‘contre’ :
- Coûts de lancement et d’infrastructure : c’est le principal frein économique, le coût du lancement et le coût au kg des satellites/plateformes. Les réductions de coûts (réutilisabilité, nanosatellites, véhicules de ravitaillement) rendent certaines missions plus plausibles, mais les ordres de grandeur restent élevés pour des capacités comparables aux hyperscale terrestres.
- Refroidissement par rayonnement : dans le vide spatial, il est possible d’évacuer la chaleur par rayonnement infrarouge (radiative cooling) sans eau ni air – ce qui représente un avantage énergétique réel pour des équipements très denses – mais cela nécessite de larges radiateurs et des architectures thermiques adaptées qui sont autant de contraintes d’ingénierie.
- Énergie solaire quasi-continue : en orbite (ou sur la face éclairée du Lune), l’énergie solaire est plus disponible et stable (pas d’intermittence atmosphérique), ce qui est une opportunité pour alimenter des centres de calcul à haute consommation. Jeff Bezos l’a évoqué récemment comme un argument majeur.
- Communications et bande passante inter-satellite : pour rivaliser avec un datacenter terrestre (latence interne, bande passante entre machines), il faut des liaisons optiques inter-satellites à très haut débit (DWDM/spatial multiplexing). Les travaux récents indiquent que c’est techniquement possible mais exigeant.
- Transit des données : le transfert des volumes massifs entre orbite et sol ou entre nœuds orbitaux pose des questions de sécurité et intégrité. Il nécessite chiffrement, protocoles robustes et garanties juridiques.
- Radiations & fiabilité matérielle : l’environnement spatial impose blindage, composants tolérants aux radiations, redondance et maintenance robotisée/automatisée ; coût et complexité matériel sont élevés.
- Opérations / maintenance : réparer, upgrader ou remplacer du matériel spatial reste coûteux et lents, sauf si on développe un modèle de station-service robotique.
- Externalités environnementales : des études européennes (programme ASCEND) montrent que, en théorie, des datacenters spatiaux pourraient réduire l’empreinte carbone et hydrique, à la condition que les émissions liées aux lancements soient bien maîtrisées.
Les enjeux géopolitiques et réglementaires
L’espace est comme un nouvel espace stratégique : la compétition entre États et acteurs privés pour le contrôle de l’espace, des constellations et de l’accès aux ressources orbitales transforme l’infrastructure spatiale en enjeu géopolitique (sécurité, contrôle des données, normes). Plusieurs analyses récentes montrent la centralité stratégique croissante de l’espace.
Normes, droit spatial (traités spatiaux), contrôles à l’export, responsabilité en cas d’accident, gestion des débris orbitaux – la: multiplication d’objets lourds en orbite augmente le risque Kessler (cascade de débris), posant un dilemme éthique/environnemental -, militarisation (usages militaires) viennent interpeller la question de la garantie de la souveraineté numérique spatiale.


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