Emplois dans la construction des datacenters : la nouvelle ruée vers l’or

Une ruée vers l’or moderne s’empare des chantiers : la vague d’investissements liée aux infrastructures d’IA et de cloud transforme les datacenters en l’un des secteurs de la construction les plus dynamiques… et paradoxalement les plus contraints par la main-d’œuvre. Car c’est un vrai paradoxe : alors que la demande explose, l’industrie de la construction des datacenters manque cruellement de bras.

Une enquête du Wall Street Journal estime à 439 000 le nombre de postes nets à pourvoir dans le bâtiment aux États-Unis rien qu’en 2025. Mais la pénurie fait également figure d’aubaine dans le domaine de la construction des datacenters, une véritable ruée vers l’or moderne pour les spécialistes qui voient leur rémunération exploser.

Pendant que des hyperscalers annoncent des milliards de dollars d’investissement pour augmenter la capacité de calcul, des milliers d’emplois – les profils les plus demandés sont électriciens haute tension, monteurs CFA/HT, techniciens refroidissement (CVC), soudeurs, monteurs d’armature, plombiers industriels, chefs de projets et ingénieurs MEP (mécanique, électricité, plomberie) – voient leurs salaires évoluer rapidement… et la concurrence s’installer sur les recrutements !

Les chiffres macro-économiques dessinent l’échelle du défi : plusieurs milliers de milliards de dollars seront nécessaires d’ici 2030 pour accompagner la montée en puissance des charges de calcul et des datacenters dédiés à l’IA, et cela au niveau mondial, créant une pression sur la capacité physique (bâtiments, alimentation électrique, refroidissement) qu’alimente directement la demande de chantiers ‘lourds’.

Des salaires qui grimpent en flèche… pour attirer les compétences

Sur le terrain, le résultat est palpable : le WSJ rapporte des hausses salariales substantielles pour les profils recherchés, accompagnées aux Etats-Unis de primes, de conditions améliorées (tentes chauffées) et de bonus, et parfois des revenus annuels à six chiffres pour des techniciens spécialisés.

Certains métiers voient des augmentations de l’ordre de 25 à 30 % sur des postes comparables, et des cas isolés dépassent les 200 000 dollars annuels pour des profils très qualifiés ou des chefs de projet mobilisés sur plusieurs sites. Autant de signaux du pouvoir de négociation retrouvé des ouvriers que des réponses aux délais serrés imposés par les donneurs d’ordre.

Mais la pénurie de main-d’œuvre freine les projets…

Les datacenters se construisent souvent en grappes autour de grands hubs cloud, qui concentrent la demande dans des régions déjà tendues. La conséquence en est une compétition locale et une pression entre projets – entreprises tech, énergie, infrastructures – pour le même vivier de compétences, poussant les salaires à la hausse, mais augmentant la volatilité du marché du travail pour les entreprises locales. Des rapports sectoriels notent un allongement des retards et un backlog de chantiers conséquent dans plusieurs pays.

Les risques de la ruée vers l’or

L’histoire nous l’apprend, les ruées vers l’or sont souvent porteuses de risques, d’effets pervers, et temporaires, et de désillusions pour la majorité de ceux qui cèdent à la tentation. Dans le cas des datacenters, s’ils sont intensifs en capital, le nombre d’emplois durables une fois la construction achevée est plus limité. Ce qui crée des cycles « boom-bust » (expansion suivie de récession) locaux si la planification n’est pas prudente. Quant au recours à la sous-traitance et aux prestataires spécialisés pour contourner la rareté des compétences, ces pratiques s’accompagnent de risques de qualité, de conformité et de sécurité, si la supervision est insuffisante.

La ruée vers l’or des emplois dans la construction des datacenters met en lumière des fragilités structurelles : pénurie de main-d’œuvre, logement et logistique, et besoin urgent de formation. À cela s’ajoute une demande croissante pour des compétences de coordination inter-disciplinaires : gestion des interfaces énergie-IT, conformité environnementale, montage rapide d’infrastructures modulaires, et connaissance des contraintes liées au refroidissement liquide et aux puissances élevées. Reste donc à transformer un pic de demande en une croissance durable et socialement maîtrisée.

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