Etude ADEME-Arcep : évaluation de l’empreinte environnementale du numérique en France en 2020, 2030 et 2050

Etude ADEME-Arcep – Evaluation de l’impact environnemental du numérique en France – 3ème volet de l’étude : Analyse prospective à 2030 et 2050.

Le Gouvernement a confié, le 6 août 2020, la réalisation d’une étude conjointe à l’ADEME et à l’Arcep
sur l’évaluation de l’impact environnemental du numérique en France.

Rappels sur les deux premiers volets du rapport

Le 19 janvier 2022, l’ADEME et l’Arcep ont remis les deux premiers volets du rapport au Gouvernement.

Le premier volet souligne la nécessité de procéder à une évaluation globale basée sur une analyse de
cycle de vie (ACV) multi-composants (terminaux, réseaux et centres de données), multicritère (empreinte
carbone mais également 10 autres indicateurs environnementaux) et multi-étapes (phases de fabrication,
distribution, utilisation et fin de vie).

Le deuxième volet du rapport évalue, selon cette méthodologie, l’impact environnemental du numérique
en France en 2020.

  • Ainsi l’empreinte carbone générée par un an de consommation de biens et services numériques
    en France en 2020 représente 2,5 % de l’empreinte carbone nationale soit 17,2 Mt CO2éq.
  • Les terminaux représentent 79 % de l’empreinte carbone du numérique, les centres de données
    16 % et les réseaux 5 %.
  • Outre l’empreinte carbone, l’épuisement des ressources abiotiques (minéraux & métaux) ressort
    comme un critère pertinent pour décrire l’impact environnemental du numérique.
  • Enfin, c’est la phase de fabrication qui concentre l’essentiel des impacts environnementaux. Elle
    représente 78 % de l’empreinte carbone et la phase d’utilisation 21 %.
Principaux moteurs des émissions du numérique en France

Principaux résultats du 3ème volet

Le troisième volet propose une analyse prospective à 2030 et 2050 de l’impact environnemental du
numérique en France en projetant différents scénarios, un tendanciel et plusieurs scénarios alternatifs.
Cet exercice de prospective est par nature complexe et requiert en général des révisions régulières ; il l’est
d’autant plus pour un secteur en évolution très rapide caractérisé par de nombreux effets croisés internes
et des externalités positives ou négatives sur les autres secteurs qui ne peuvent ici pas être pris en compte.

Ce travail constitue néanmoins une première approche pour mesurer et évaluer les chemins à parcourir et
les défis à relever pour le numérique. Pour ce faire, cet exercice prospectif repart de la méthodologie
développée dans le deuxième volet de l’étude qui décompose le numérique en trois briques (terminaux,
réseaux et centres de données) selon une approche d’analyse de cycle de vie (ACV) multicritère.

A horizon 2030, si rien n’est fait pour réduire l’empreinte environnementale du numérique et que les
usages continuent de progresser au rythme actuel (le trafic de données serait multiplié par 6 et le nombre
d’équipements augmenterait de près de 65 % en 2030 par rapport à 2020, notamment du fait de l’essor
des objets connectés), l’empreinte carbone du numérique en France augmenterait d’environ 45 % en
2030 par rapport à 2020 ce qui représenterait 25 Mt CO2eq contre 17,2 Mt CO2eq en 2020.

Les scénarios alternatifs envisagés conduiraient à une moindre hausse voire une diminution de
l’empreinte carbone du numérique.

L’écoconception des équipements permettrait une augmentation de la durée de vie des
terminaux et une baisse de leurs consommations électriques unitaires. Les scénarios
correspondants (écoconception modérée ou généralisée) permettraient, par rapport à 2020, de
limiter l’augmentation de l’empreinte carbone du numérique de 5 % à 20 %, de réduire la
consommation de ressources abiotiques (métaux & minéraux) de 4 % à 15 % et réduire la
consommation électrique finale de 23 % à 42 %.

  • Dans un scénario de sobriété numérique, les utilisateurs substituent leurs équipements pour des terminaux moins consommateurs, les conservent plus longtemps et adoptent des usages sobres notamment en matière de flux vidéo. L’ensemble des acteurs – industriels également – stabilisent leur nombre de terminaux, en particulier objets connectés, au niveau de 2020. Ce scénario de sobriété numérique représente le levier le plus important pour maîtriser l’empreinte environnementale du numérique. Il permettrait de réduire l’empreinte carbone de 16 % (soit 14 Mt CO2eq), la consommation de ressources abiotiques (métaux & minéraux) de 30 % et la consommation électrique de l’ordre de 52 % (soit 25 TWh) par rapport à 2020.
  • Dans tous les scénarios, les terminaux représentent la majorité de l’empreinte carbone (environ 80 %) et de l’épuisement des ressources abiotiques (métaux & minéraux, plus de 90 %). Les terminaux sont donc le premier levier d’inflexion de l’empreinte environnementale du numérique.

Ces scénarios réduisent de manière significative la consommation électrique de chacun des composants du numérique (i.e. terminaux, centres de données et réseaux). La sobriété et l’écoconception ne sont bien entendu pas des stratégies exclusives l’une de l’autre. Il s’agit dès lors de mobiliser l’ensemble des leviers à disposition des différentes parties prenantes. Les utilisateurs doivent être sensibilisés et les fabricants de terminaux, opérateurs de centres de données et opérateurs de communications électroniques ont un rôle clé à jouer.

A horizon 2050, l‘étude s’appuie sur les quatre modèles de société conçus par l’ADEME dans le cadre de
l’exercice « transition(s) 2050 » qui aboutissent à la neutralité carbone du pays : « Génération Frugale », « Coopérations Territoriales », « Technologies Vertes » et « Pari réparateur ». Ces quatre modèles de société sont déclinés à l’échelle du secteur numérique en scénarios alternatifs, qui sont comparés au scénario tendanciel.

Il ressort de cette analyse que, si rien n’est fait pour réduire l’empreinte environnementale du numérique, l’empreinte carbone pourrait tripler entre 2020 et 2050 dans le scénario tendanciel et représenter plus de 49 Mt CO2eq. La consommation électrique en France augmenterait quant à elle d’environ 80 % pour atteindre 93 TWh (dont 39 TWh dus aux centres de données).

Dans le scénario « Pari réparateur », l’empreinte carbone pourrait quintupler par rapport à 2020 (soit 81 Mt CO2eq) et la consommation électrique pourrait presque tripler (x2,6) par rapport à 2020 (et atteindre 137 TWh) du fait notamment de l’explosion des objets connectés et du développement des centres de données.

A contrario, elle pourrait être divisée par deux par rapport à 2020 dans le scénario « Génération frugale » (soit 9,3 Mt CO2eq) et la consommation électrique baisser plus de 75 % (et atteindre 12 TWh). C’est le scénario qui atténue le plus l’empreinte environnementale du numérique.

Dans tous les scénarios, les terminaux représentent toujours la majorité de l’empreinte carbone.

Les centres de données représentent ensuite l’essentiel de l’empreinte en lien avec les besoins de traitement grandissants.

Sur l’ensemble des autres critères, notamment l’épuisement des ressources abiotiques (minéraux & métaux), les terminaux représentent également la majorité de l’impact (entre 61 % et 86 % dans le scénario tendanciel). Le scénario « Pari réparateur » implique un report d’impact important notamment sur les ressources abiotiques (minéraux & métaux). Ainsi, si tous ces scénarios permettent effectivement d’atteindre la neutralité carbone, ils impliquent une part de l’empreinte carbone nationale allouée au numérique largement différente. Le scénario visant à maximiser l’utilisation du numérique pour la décarbonation d’autres secteurs (« Pari réparateur ») implique des reports d’impact sur d’autres critères environnementaux (notamment l’épuisement des ressources abiotiques « métaux et minéraux ») potentiellement très importants et pouvant questionner sa soutenabilité.

Ici aussi, ces scénarios décrivent des chemins possibles sans être exclusifs les uns des autres et permettant tous la neutralité carbone. La solution peut être trouvée dans un entre-deux, en mobilisant l’ensemble des leviers disponibles (sobriété, éco-conception, économie circulaire) et en s’appuyant sur le numérique comme levier de la transition tout en s’assurant qu’il s’intègre dans une trajectoire compatible de réduction de son empreinte environnementale. La question est d’autant plus complexe que le numérique reste transverse aux autres secteurs.

Conclusion

Les résultats de l’étude ADEME-Arcep interpellent sur la trajectoire tendancielle que pourrait prendre le numérique si rien n’est fait. Les scénarios envisagés par l’ADEME, qui visent tous la neutralité carbone, impliquent des changements importants de nos sociétés, notamment en matière de recherche et développement, d’évolution des produits et services, dont certains sont encore inconnus, de modes de consommation, de modes de fabrication et de bonnes pratiques de la part des utilisateurs mais aussi des fabricants de terminaux, des opérateurs de réseaux et de centres de données.

L’étude met en évidence qu’un des enjeux environnementaux majeurs du numérique, outre son empreinte carbone, est la disponibilité des métaux stratégiques et autres ressources utilisées pendant la phase de fabrication des terminaux (principalement téléviseurs, ordinateurs, box internet et smartphones jusqu’en 2030 puis essor des objets connectés jusqu’en 2050 en lien notamment avec la mise en place de nouvelles technologies de réseaux mobiles).

Ainsi, il ressort de l’étude que le premier levier d’action pour limiter l’impact du numérique est la mise en œuvre de politiques de sobriété numérique qui commencent par une interrogation sur l’ampleur du développement des nouveaux produits ou services et une réduction ou stabilisation du nombre d’équipements. L’allongement de la durée de vie des terminaux, via la mise sur le marché d’équipements éco-conçus, en développant davantage le reconditionnement et la réparation des équipements et en sensibilisant les consommateurs à ces impacts pour viser plus de sobriété est un axe majeur de travail.

De la même manière, l’écoconception doit être systématisée au-delà de la seule question des terminaux et couvrir l’ensemble des équipements (réseaux et centres de données) mais également les services numériques afin de limiter le trafic nécessaire à iso service et d’améliorer l’efficacité énergétique.

Pour atteindre l’objectif des accords de Paris en 2050, le numérique doit prend la part qui lui incombe : un effort collectif impliquant toutes les parties prenantes (utilisateurs, fabricants de terminaux et d’équipements, fournisseurs de contenus et d’applications, opérateurs de réseaux et de centres de données) est donc nécessaire.

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