Gervaise Van Hille, Directrice France de Colt Technology Services
Expert – Ces dernières années ont marqué un tournant dans la transformation numérique de notre société, provoquant une véritable accélération de sa numérisation. Entre multiplication des défis et adaptation des services, le secteur des télécommunications a été amené à se repenser. Plus qu’une démarche d’adaptation, il est en réalité question de se transformer dans le fond et stratégiquement. Si la crise du COVID-19 s’atténue, elle a laissé la place à une guerre à nos portes avec les conséquences que nous vivons en ce moment.
Incitées par des standards qui s’imposent tels que le RGPD, les entreprises ont pris conscience que cette transformation n’est plus une option, qu’elles que soient leur taille, leur activité et leur marché. Dans ce contexte, le secteur des télécommunications joue un rôle vital pour nous connecter les uns aux autres et pour nous accompagner dans de nombreux aspects de notre vie quotidienne. La crise sanitaire a renforcé son caractère vital en réduisant progressivement la fracture numérique. Ce secteur est désormais considéré comme critique au même titre que celui de la distribution et de la gestion de l’eau, de l’électricité ou du gaz. Les acteurs télécoms jouent plus que jamais le rôle de piliers stratégiques pour les foyers comme les entreprises, l’e-commerce, la télémédecine comme la résilience cyber.
Les nouveaux besoins de connectivité et cloud
La transformation numérique n’implique pas seulement une numérisation des outils au sein de l’entreprise, mais une refonte stratégique pour s’adapter aux nouveaux usages des clients et des partenaires. Pour cela, elle s’appuie sur une corrélation directe entre les projets de migration vers le cloud et la connectivité. Les entreprises doivent être en mesure de poursuivre leurs activités et le cyberespace s’affirme comme un écosystème essentiel dans cette continuité. Cette situation a mis en lumière des besoins renforcés pour les entreprises en matière digital. Outre la connectivité avec des exigences nouvelles en termes de qualité de service et de débit, ce sont les offres de cloud, de cybersécurité, ou encore d’intelligence artificielle qui sont sollicitées. Ces nouveaux besoins devraient permettre aux fournisseurs de développer et de proposer des offres de services à valeur ajoutée et d’intégration. En effet, les entreprises se sont rendu compte que leur environnement sur site n’était plus adapté et qu’elles avaient besoin d’un environnement de travail plus agile pour aller de l’avant. La migration vers le cloud est une évolution qui ne peut que se confirmer à l’avenir.
L’accélération constatée des migrations vers le cloud provient notamment du besoin de transférer les charges de travail critiques. D’ici à 2030, la croissance du marché européen du cloud devrait monter en flèche. Gartner estime que ce marché public du cloud sera presque 400 milliards de dollars en 2022. Selon IDC, l’écosystème du cloud dans son ensemble, au-delà du simple cloud public, pèsera plus de 1000 milliards de dollars en 2024. En 2022, plus de 1 300 milliards de dollars de dépenses informatiques des entreprises sont en jeu du fait du passage au cloud, et ce chiffre passera à près de 1 800 milliards de dollars en 2025, selon Gartner.
En transformant notre façon de travailler, faisant du télétravail la norme, la crise sanitaire a accéléré l’adoption du cloud en entreprise. Autrefois considéré comme une simple option technologique, il est rapidement devenu un élément essentiel à la poursuite normale des activités de tous les secteurs. Concrètement, il facilite une communication en temps réel, la mobilité par la suppression des contraintes géographiques, une connaissance sans précédent des attentes des clients et du marché grâce aux données, des processus métiers automatisés et plus agiles ou encore un accès facilité aux informations.
L’urgence de l’adaptation de la bande passante, notamment au niveau des datacenters et des fournisseurs d’accès internet, a été particulièrement notable. On remarque que les fournisseurs réseaux ont considérablement investi dans les infrastructures afin de répondre aux besoins croissants de connectivité des entreprises.
Relation client et service à la demande, au cœur des télécommunications
La gestion du changement a été mise au premier plan et globalement les fournisseurs de solutions réseaux ont dû faire face en adaptant leurs offres de services. Pendant la crise sanitaire, l’inflation et la guerre entre la Russie et l’Ukraine avec la crise énergétique, de nouvelles mesures ont été mises en place. Du confinement total ou partiel à l’approche hybride, les fournisseurs de services réseau ont été amenés à s’adapter avec le déploiement de services à la demande. Ils ont été également amenés à repenser la relation client en y apportant beaucoup plus de flexibilité, d’évolutivité er de rentabilité.
Il est important pour les fournisseurs d’investir dans les services à la demande et de les adapter aux besoins et aux attentes des entreprises. Le fournisseur d’aujourd’hui donne aux entreprises le contrôle de leurs réseaux et leur permet de recevoir les connexions dont elles ont besoin en temps réel grâce aux technologies SDN (réseau défini par logiciel) et la NFV (virtualisation des fonctions réseau). La possibilité d’adapter sa bande passante à la demande, en payant à la minute, à l’heure ou pour quelques jours, est un élément différenciant important en cette période de crise énergétique. Cela permet une expérience client uniforme quel que soit l’environnement. Les fournisseurs de services réseau continueront à investir dans le SDN à mesure qu’ils avanceront de la même manière qu’ils ont pu aider les entreprises à transformer leurs méthodes de travail pendant la pandémie.
Les évènements des derniers mois ont déjà induit une prise de conscience plus profonde du rôle essentiel que joue les télécoms pour l’économie, l’éducation, la santé et la société toute entière. Il ne fait aucun doute que la multiplication des usages des services réseau avec notamment la 5G représente l’un des facteurs clés du développement et de la croissance. Cette nouvelle infrastructure numérique devrait être le vecteur technologique nécessaire, mais exigera encore des investissements importants dans les infrastructures.
Des questions longtemps restées en suspens se posent avec un angle nouveau : la résilience du réseau, les modèles de de déploiement et de maintenance des infrastructures ou la gestion de la fracture numérique. Les acteurs et les pouvoirs publics doivent profiter de cette occasion pour pérenniser ces débats et les trancher, en capitalisant sur la prise de conscience actuelle et le besoin de faire front pour soutenir notre société et la cohésion de nos territoires. Il existe encore de nombreuses incertitudes sur les scénarios de sortie de crise, en termes de durée notamment.