Equinix est accusé de « manipulations comptables majeures » au profit de ses hauts dirigeants

Hindenbourg Research accuse Equinix de « manipulations comptables majeures » ayant pris la forme d’une surestimation de l’indicateur clé de rentabilité des fonds d’exploitation ajustés (AFFO), qui entre dans l’évaluation de la rentabilité de l’entreprise… et dans la composition de la rémunération des dirigeants. Une manipulation qui depuis 2015 se traduirait par une hausse de l’APPO, des primes aux hauts dirigeants et de leurs attributions d’actions.

Hindenbourg Research a publié ce 20 mars un rapport fort documenté intitulé « Equinix Exposed: Major Accounting Manipulation, Core Business Decay And Selling An AI Pipe Dream As Insiders Cashed Out Hundreds of Millions« , dont nous avons pu nous procurer un exemplaire.

On y apprend que le vendeur à découvert – après avoir interrogé 37 anciens employés d’Equinix, experts du secteur et concurrents, et examiné les états financiers et les dossiers de litiges – accuse la haute direction d’Equinix d’avoir influencé les indicateurs de rentabilité du groupe, de l’avoir rendu plus rentable qu’il ne le serait réellement en transformant des CapEx de maintenance (des coûts destinés à entretenir les installations) en CapEx de croissance (investissements dans de nouvelles installations ou initiatives pour générer de nouveaux revenus), ce qui aurait eu pour effet de minorer les coûts de maintenance et de gonfler la marge d’exploitation, donc la rentabilité.

Pour bien comprendre selon notre analyse des informations qui sont en notre possession, des dirigeants d’Equinix auraient incité des collaborateurs à enregistrer comptablement des investissements de maintenance des équipements, des dépenses de remplacement, ainsi que des dépenses habituellement considérées en dépenses d’exploitation OpEx, en dépenses en capital liées aux initiatives de croissance à long terme. Par exemple, en affectant de nouveaux numéros de série à des équipements remis à neuf pour les comptabiliser en investissement de croissance…

Il s’agit de manipulations comptables qui reposent sur des bases légales, mais qui sont affectées à des indicateurs différents. Le déplacement inapproprié des investissements de maintenance en investissements de croissance – le rapport cite pour 2023 une surestimation de 22 % des CapEx de maintenance en croissance – gonflerait la rentabilité, ce qui tromperait les investisseurs et les marchés et participerait également à gonfler la valeur de l’action.

Selon Hindenbourg Research, cette manipulation aurait débuté en 2015 – année où Equinix s’est transformée en REIT (Real Estate Investment Trust), l’équivalent de nos SCPI (Société civile de placement immobilier), fiscalement plus avantageux -, et se serait prolongée jusqu’à aujourd’hui. Elle aurait permis de surestimer les AFFO, les fonds d’exploitation ajustés (une mesure clé des REIT), de 3 milliards de dollars, en minimisant le coût de maintenance rendu inférieur à celui de ses concurrents, et donc mécaniquement d’augmenter sa rentabilité, ou tout du moins de donner l’impression qu’elle est plus rentable.

Les AFFO sont un indice qui entre dans les critères d’évolution du prix de l’action, qui serait ici gonflé, également dans le calcul des rémunérations des hauts dirigeants, ce qui aurait favorisé leur enrichissement (le chiffre de 476 millions de dollars est cité) via des primes plus élevées. Sans oublier les attributions d’actions au bénéfice des jeux comptables, le rapport évoque 295,8 millions de dollars encaissés par les ‘initiés’ (dirigeants et administrateurs), dont 122 millions pour le CEO.

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